La directive dite “accueil” a été réformée dans le cadre du Pacte sur la migration et l’asile et entraînera en juin 2026, date limite de transposition dans les droits nationaux, des changements pour les demandeurs d’asile dans l’Union européenne. Cette réforme consacre notamment de nouvelles règles de limitation et retrait des conditions matérielles d’accueil, qui pourraient s’avérer par certains aspects plus favorables pour les demandeurs d’asile.

La directive 2024/1346 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant une protection internationale, dite « accueil », est la seule directive du Pacte sur la migration et l’asile de l’Union européenne (UE), contenant majoritairement des règlements. Celle-ci abroge et remplace la directive 2013/33. Elle a été définitivement adoptée le 14 mai 2024 et doit être transposée en droit national pour juin 2026.

Parmi les principaux changements apportés par la nouvelle directive on peut notamment noter : une obligation d’information dans un délai de 3 jours à compter de la présentation de la demande (15 jours auparavant), par écrit ou oralement, ou par des éléments visuels si besoin ; la possibilité d’obliger un demandeur à résider dans un lieu déterminé pour risque de fuite, en particulier lorsque le demandeur a effectué un mouvement secondaire (est dans un État dans lequel il ne devrait pas être) ; une importance accrue aux besoins particuliers en matière d’accueil ; une liste ouverte plus importante des personnes ayant des besoins particuliers (la directive parle désormais des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, de celles ayant un trouble de stress post-traumatique, de celles ayant subi un mariage forcé, ou des violences pour des motifs sexuels, sexistes, racistes ou religieux) ; un motif de rétention supplémentaire, pour les personnes n’ayant pas respecté le lieu de résidence déterminé par les autorités ; plus de détails sur les contrôles juridictionnels des rétentions et sur les droits des mineurs en rétention ; une obligation de scolarisation des enfants dont le délai passe de 3 à 2 mois depuis l’introduction de la demande ; un accès au marché du travail qui passe de 9 à 6 mois depuis l’enregistrement de la demande (mais pas d’accès si la personne est sous procédure accélérée) ; l’obligation pour les États de veiller à ce que les demandeurs aient accès aux cours de langues, d'éducation civique ou de formation professionnelle que les États membres considèrent appropriés pour contribuer à renforcer la capacité des demandeurs à agir de façon autonome, à interagir avec les autorités compétentes ou à trouver un emploi ; une obligation de fournir les soins médicaux nécessaires, qu'ils soient dispensés par des médecins généralistes ou, si besoin, par des médecins spécialistes, qui comprennent les soins de santé sexuelle et génésique et les services de réadaptation ; l’obligation d’égalité de traitement des mineurs demandeurs avec les ressortissants mineurs concernant les soins de santé ; et l’obligation pour les États d’établir un plan d’urgence en matière d’accueil.

La nouvelle directive contient également des références à la Charte de l’UE des droits fondamentaux et plusieurs dispositions d’adaptation aux autres textes du Pacte (voir nos articles sur le sujet).

Les conditions matérielles d’accueil (CMA) sont précisées et incluent « le logement, la nourriture, l'habillement et les produits d'hygiène personnelle [(qui n’étaient pas cités dans la précédente directive)] fournis en nature, sous forme d'allocations financières ou de bons, ou en combinant ces formules, ainsi qu'une allocation journalière ». L’allocation journalière étant « une allocation accordée périodiquement aux demandeurs pour leur permettre de jouir d'un degré minimum d'autonomie dans leur vie quotidienne, fournie sous la forme d'une somme d'argent ou de bons, ou fournie en nature, ou en combinant ces formules, à condition qu'une telle allocation comprenne une somme d'argent » (cette allocation n’était pas définie dans la précédente directive). Le dispositif des CMA est réformé sous plusieurs aspects.

Premièrement, il est désormais disposé que lorsque les États membres fournissent un logement en nature, ils s'assurent que ce logement offre un niveau de vie adéquat, ainsi qu'un soutien nécessaire pour répondre aux besoins particuliers des demandeurs en matière d'accueil ; et que lorsque des demandeurs de sexe féminin sont placés dans des centres d'hébergement, les États prévoient des installations sanitaires distinctes et un lieu sûr à leur intention et pour leurs enfants mineurs.

Deuxièmement, les États membres peuvent désormais autoriser les demandeurs à accomplir du travail bénévole en dehors du centre d'hébergement.

Troisièmement, les États membres peuvent, à titre exceptionnel, dans des cas dûment justifiés et pendant une durée aussi courte que possible, octroyer des CMA différentes lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées ou, en raison d'un nombre disproportionné de personnes à héberger ou d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement indisponibles.

Quatrièmement, dès la notification d’une décision de transfert conformément au règlement 2024/1351 (nouveau « Dublin »), les demandeurs n’auront plus droit aux CMA. Les CMA ne pourront être obtenues que dans l’État dans lequel ils sont tenus d’être présents. Cela sans préjudice de l’obligation pour les États membres d’assurer un niveau de vie conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’UE et au droit international, et de l’obligation d’information des demandeurs.

Cinquièmement, la directive dispose que les États peuvent « limiter ou retirer l’allocation journalière » (lorsque la directive de 2013 indiquait que les États pouvaient limiter ou retirer l’ensemble des CMA). Lorsque cela est dûment justifié et proportionné, les États peuvent aussi limiter d’autres CMA. L’unique possibilité de retrait complet des CMA, sans tenir compte des cas de décisions de transfert, est en cas de manquement grave ou répété au règlement d’un centre d’hébergement ou comportement violent ou menaçant dans un centre d’hébergement. Alors que plus d’un tiers des demandeurs d’asile en France sont privées de CMA aujourd’hui, il sera désormais nécessaire pour la plupart d’entre eux de leur fournir a minima l’allocation financière lorsqu’ils ne sont pas hébergés dans le dispositif d’accueil dédié.

Enfin, deux motifs de limitation ont été ajoutés : l’abandon de la zone géographique désignée et le fait de ne pas participer aux mesures d’intégration obligatoires prévues au niveau national (sauf circonstances qui échappent au contrôle du demandeur). Il sera donc possible de limiter davantage les CMA, mais il sera plus difficile de les retirer complètement.