La première série de mesure a été annoncée le 31 août par le Conseil gouvernemental des affaires étrangères et de la défense (ΚΥΣΕΑ - KYSSEA) de la Grèce qui incluait alors la suppression de la phase d’appel de la procédure d’asile pour les demandeurs d’asile déboutés en première instance afin de procéder immédiatement au retour des déboutés dans leurs pays d’origine. Selon le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, l’objectif de cette mesure est de combler les retards pris dans les procédures d’examen des demandes d’asile pouvant durer plusieurs années. Cette mesure remettrait gravement en cause l’accès au droit d’asile et est contraire au droit européen. La suppression des comités de recours pourrait augmenter le nombre de recours présentés devant les tribunaux administratifs, inadaptés à la spécificité de l’étude de fond des demandes d’asile et actuellement surchargés comme l’indique l’Union grecque des magistrats administratifs et ne résoudrait donc pas la problématique des délais. Une précédente tentative de suppression du droit d’appel pour les demandeurs d’asile en 2008 avait amené la Grèce à être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour absence d’un système d’asile juste et efficace.

Face à cette opposition, le gouvernement grec a décidé de renoncer à cette proposition mais a déclaré que la composition des comités de recours serait modifiée. Le gouvernement souhaiterait renforcer sa législation pour raccourcir le traitement de la demande d’asile afin d’obtenir une décision finale dans les trois mois contre une moyenne de deux ans aujourd’hui. Les nouvelles règles imposeraient des définitions plus strictes sur la vulnérabilité des personnes, pouvant exclure les personnes souffrant de syndromes post-traumatiques. Parmi les autres propositions, le gouvernement a également annoncé le transfert des demandeurs d’asile depuis les îles grecques vers le continent afin de décongestionner les centres d’accueil surpeuplés. Des centres fermés de pré-départ devraient être mis en place pour faciliter le retour des personnes vers leur pays d’origine. La création d’une liste de pays tiers sûrs a également été annoncée pour les personnes arrivées de manière irrégulière en Grèce pour faciliter leur retour. L’objectif du gouvernement serait de renvoyer 10 000 personnes en 2020 contre environ 1 800 sur les quatre dernières années sous le précédent gouvernement.

En outre, face à l’augmentation du nombre d’arrivées par voie terrestre et maritime en Grèce depuis le début de l’année, le gouvernement a également annoncé le renforcement de la surveillance de la frontière avec la Turquie alors que des opérations de refoulement sont régulièrement dénoncées en mer Egée. Cette hausse des arrivées s’inscrit dans un contexte de tensions avec la Turquie qui a annoncé fin juillet la suspension de l’accord de réadmission conclu en mars 2016. En contrepartie de la réadmission des réfugiés syriens arrivés sur les îles grecques, la Turquie devait recevoir des aides financières de l’UE d’un montant de 6 milliards d’euros et voir accélérer les négociations pour la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs. La Turquie a cependant jugé insuffisante l’aide versée par les autorités européennes, et n’a pas pu atteindre ses objectifs sur la libéralisation des visas. Des sanctions européennes relatives à des activités gazières turques au large de Chypre ont finalement amené la Turquie a reconsidérer son engagement pris en mars 2016 envers l’UE. Début septembre, le président turc Erdogan a renouvelé sa menace « d’ouvrir les portes » pour les migrants l’Europe si la communauté internationale ne soutenait pas la mise en place d’une zone de sécurité dans le nord de la Syrie. Une rencontre entre le Président turc et le Premier ministre grec en marge de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre a permis aux deux Etats de s’accorder sur la nécessité de renforcer le contrôle des flux migratoires.

Les capacités d’accueil en Grèce, et en particulier sur les îles, sont surchargées et ne peuvent pas faire face à cette nouvelle hausse des arrivées. Les autorités grecques de l’île de Lesbos ont indiqué ne plus être en capacité d’accueillir de nouveaux migrants dans le camp de Moria utilisé à plus de quatre fois de sa capacité d’accueil maximale avec plus de 12 000 personnes. Le 1er octobre, le Haut-Commissariat aux réfugiés a appelé la Grèce à transférer plus de 5 000 demandeurs d’asile présents dans les centres des îles grecques autorisés à continuer leur procédure d’asile sur le continent grec. Il appelle à une attention particulière pour les plus de 4 400 mineurs non accompagnés en situation particulièrement vulnérable et de mettre fin à cet accueil sur les îles où les conditions de vie sont inadéquates, dangereuses, et inhumaines.

Les annonces du nouveau gouvernement grec misent sur un renforcement de la politique d’accueil et du contrôle des frontières qui risquent cependant de porter gravement atteinte au droit d’asile et de renforcer la vulnérabilité déjà importante des migrants et des demandeurs d’asile en Grèce. Alors que ces mesures pourraient s’opposer au droit européen en matière d’asile, elles posent la question de la capacité de l’Union européenne et de ses institutions à faire respecter le droit européen, les droits fondamentaux et l’Etat de droit au sein des Etats membres. La Grèce n’est pas le premier Etat membre à prendre des mesures en violation flagrante des acquis européens. La Hongrie, mais aussi la République tchèque ou la Pologne font actuellement l’objet de procédures d’infractions depuis plusieurs années pour violation du droit européen en matière d’asile et de migration. Cependant, aucune de ces procédures d’infraction n’a actuellement abouti à des sanctions alors que les droits fondamentaux sont gravement remis en cause et menacés dans plusieurs Etats membres. L’Italie plus récemment a ainsi pris des mesures remettant gravement le droit d’asile et des migrants au niveau national et a poursuivi une politique de criminalisation des opérations des secours et de sauvetage en mer Méditerranée.