Après la Roumanie et la Finlande, c’est au tour de la Croatie de poursuivre l’agenda du trio qui s’est axé autour de trois thématiques : les valeurs communes de l’UE, la croissance durable, et le renforcement de la capacité de l’action extérieure et de la sécurité. La Croatie a fixé quatre priorités développées sous l’intitulé « une Europe qui se développe, une Europe connectée, une Europe qui protège, et une Europe influente ». Plusieurs dossiers retiendront particulièrement l’attention de la présidence : les négociations sur le prochain cadre financier européen pluriannuel (2021-2027), la fin de processus du Brexit, l’organisation d’un sommet UE-Balkans occidentaux au mois de mai, et la préparation de la conférence sur l’avenir de l’Europe.

Sur le volet de l’asile et de la migration, les enjeux sont également importants avec la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne présidée par Ursula von der Leyen qui a initié la mise en place d’un « Nouveau Pacte sur la Migration et l’Asile ». Selon la nouvelle composition du collège de la Commission européenne, la commissaire suédoise Ylva Johansson en charge des « affaires intérieures » aura pour mission de développer ce nouveau Pacte qui doit permettre de relancer la réforme du régime d’asile européen commun en cours depuis 2016, de renforcer la politique de retour, de travailler sur une approche durable en matière de recherche et de sauvetage, de développer des voies légales d’accès, mais aussi de renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit, de lutter contre la traite et le trafic d’êtres humains, et de rétablir le plein fonctionnement de l’espace Schengen. Le Vice-Président Magaritis Schinas en charge de la « promotion du mode de vie européen » aura notamment pour mission de superviser cette nouvelle politique d’asile et de migration.     

La présidence croate devra donc accompagner la mise en place de ce nouveau Pacte aux côtés de la Commission européenne et « attend avec impatience les nouvelles initiatives concernant le paquet Dublin » selon le Premier ministre croate rappelant que « les attentes pour enfin créer un équilibre entre la responsabilité et la solidarité sont nombreuses ». Ce sujet est particulièrement sensible pour ce pays, régulièrement mis en cause dans sa politique vis-à-vis des migrants et des demandeurs d’asile. Lors de la présentation du Premier ministre croate au Parlement européen en session plénière, les députés n’ont pas manqué d’exprimer leurs inquiétudes quant au traitement des migrants à la frontière croato-bosniaque. Une situation qui a déjà attiré l’attention dès septembre 2018 de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe qui a appelé la Croatie à enquêter sur les allégations d’expulsions collectives de migrants et de violences policières. 2 500 migrants avaient notamment fait l’objet d’expulsions collectives depuis le début de l’année 2018. Parmi eux, 1 500 avaient déclaré ne pas avoir pu déposer une demande d’asile, dont 700 avaient indiqué avoir été victimes de violence et de vol par les autorités durant leur expulsions.

Dans son rapport de visite en Bosnie-Herzégovine et en Croatie d’avril 2019, le rapporteur spécial du Secrétaire général du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés indique que « dans ses tentatives de lutte contre les intrusions, la Croatie a mis l’accent sur des politiques et des mesures visant à dissuader les personnes d’accéder à son territoire et à renvoyer les migrants en situation irrégulière, principalement vers les pays voisins » et relève que « les interceptions de migrants et de réfugiés qui se trouvent sur le territoire croate, mais qui sont ensuite renvoyés sans que ne soit appliquée la procédure administrative requise, soulèvent des questions quant à l’essence même du droit à l’asile et au respect du principe de non-refoulement ». Si la Croatie est en charge de gérer la frontière extérieure de l’UE et qu’une pression migratoire s’exerce en continu sur les frontières extérieures, le Représentant spécial rappelle qu’ « il est primordial que les opérations de gestion des frontières soient respectueuses des droits de l’Homme et n’empêchent pas l’identification des personnes ayant besoin d’une protection internationale » et que la Croatie « devrait mettre en place des mécanismes de plaintes crédibles et menées des enquêtes pour examiner les allégations de mauvais traitements à la frontière ». Cette gestion des frontières est d’autant plus stratégique pour la Croatie en tant que candidate à l’entrée dans l’espace de libre circulation Schengen depuis 2015. La Commission européenne a récemment approuvé sa candidature, laissant maintenant la décision aux Etats membres.

Si la présidence croate se tient à un tournant dans l’agenda des institutions de l’UE avec les nouvelles législatures, elle précède une autre présidence particulièrement attendue : celle de l’Allemagne. Un autre dossier transversal mais tout aussi important pour les questions d’asile et de migration est celui du cadre financier pluriannuel européen qui doit déterminer le budget et les différents fonds européens pour les six prochaines années. Si la Croatie n’arrive pas à atteindre des accords particulièrement attendus sur ces dossiers, ce sera au tour de l’Allemagne de débloquer les rouages européens à partir de juillet 2020.