Les défaillances du règlement Dublin soulignées par une nouvelle étude
Le centre de recherche du Parlement européen a publié en février 2020 un rapport réalisé par le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE - European council on refugees and exiles) qui analyse la mise en œuvre du règlement Dublin III, adopté en 2013. Cette recherche met en lumière plusieurs défaillances de ce dispositif.
Les débats sur la réforme du règlement Dublin III se poursuivent depuis plusieurs années. En octobre 2019, le Parlement a renouvelé son engagement concernant les négociations avec le Conseil sur la refonte du règlement. La nouvelle Commission européenne, bien que prévoyant de proposer au printemps le nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile visant à refonder les bases communes entre les États membres, n’a pourtant pas encore effectué cette évaluation.
Le règlement Dublin III s’inscrit dans le cadre de la législation européenne visant à créer un régime d’asile européen commun (RAEC) qui vise à établir des normes communes à tous les États européens et à éviter les déplacements intra-UE des demandeurs d’asile. Dans ce cadre, le rôle du règlement est d’établir les règles de détermination de l’État membre responsable d’une demande d’asile.
Alors qu’une refonte du RAEC est discutée depuis quelques années par les instances de l’Union européenne, le Parlement européen a souhaité effectuer une évaluation du cadre juridique existant afin d’améliorer la qualité du processus législatif. Pour analyser la mise en œuvre du règlement Dublin III, le centre de recherche du Parlement a mandaté le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE - European council on refugees and exiles) pour la rédaction d’un rapport sur ce thème, publié le 21 février 2020.
Ce document relève tout d’abord que malgré la priorité qui devrait être donné aux liens familiaux dans la hiérarchie des critères de détermination de l’Etat responsable, les cas d’application de ce dernier sont très peu nombreux. Dans la pratique, la hiérarchie n’est pas respectée et ce sont les pays situés aux frontières extérieures de l’UE qui sont généralement considérés responsables en vertu du critère désignant le premier pays dans lequel le demandeur est entré irrégulièrement. Confrontés à une saturation de leur capacité d’accueil, ces pays peinent à respecter le règlement, ce qui explique en partie le faible taux de transfert effectif par rapport aux requêtes totales. Les deux pays qui ont envoyé plus de requêtes vers un autre Etats, l’Allemagne et la France, comptaient dans la période 2016-2019 des taux de transfert respectifs de seulement 11 % et 6.7 %.
Les objectifs initiaux du règlement Dublin, dans le cadre du RAEC, étaient d’assurer un accès rapide à la procédure d’asile et d’éviter les demandes multiples dans différent États membres. Concernant le premier objectif, le rapport montre que la pratique consistant à placer systématiquement les demandeurs d’asile sous procédure Dublin - même lorsque les perspectives de transfert sont faibles -, ainsi que la longueur des procédures, constituent un obstacle à l’accès rapide à la procédure d’asile. Par ailleurs, la majorité des procédures Dublin concernent des requêtes de reprise en charge, pour des personnes ayant déjà demandé l’asile dans un autre pays membre : le deuxième objectif n’est donc pas non plus atteint.
Concernant le respect des droits des demandeurs d’asile, le rapport relève un non-respect fréquent du droit à l’information, ainsi que du droit à la protection des données personnelles et de celui à un recours effectif contre les décisions de transfert. Par ailleurs, le recours au placement en rétention et aux transferts coercitifs dans le contexte Dublin portent atteinte au droit à la liberté et à l’intégrité physique. Enfin, s’agissant des mineurs non accompagnés, qui bénéficient d’un traitement spécifique selon le règlement, ECRE regrette que les techniques d’évaluation de l’âge continuent à être contraires aux recommandations des experts - notamment celles qui relèvent le manque de fiabilité des tests médicaux.
Dans l’ensemble, ECRE a remarqué que la priorité pour les États membres était de minimiser le nombre des personnes pour lesquelles la demande d’asile relevait de leur responsabilité. L’impact de cette approche sur les droits des personnes sous procédure Dublin est considérable. Par ailleurs, Dublin III n’a pas apporté une solution satisfaisante à la nécessité de solidarité et de détermination rapide de la responsabilité, dans un contexte marqué par l’augmentation des arrivées en Europe depuis 2015.
Enfin, le règlement manque de cohérence interne, les articles principaux (art.17, 27, 28) donnant lieu à des interprétations différentes par les différents États membres. Il manque aussi de cohérence avec le cadre européen de protection des droits fondamentaux (notamment, la Charte des droits fondamentaux de l’UE) et avec les autres dispositions du RAEC.
Cette étude fait suite à un plaidoyer soutenu d’ECRE ces dernières années visant à améliorer le règlement Dublin (voir notamment la note de positionnement publiée en 2018). L’objectif de l’étude du centre de recherche du Parlement européen étant limité à une évaluation du règlement actuel, ECRE n’y avance pas de propositions. Toutefois, en relevant plusieurs défaillances endémiques au règlement, il fait état de la nécessité d’une profonde révision.