Règlement Dublin : une efficacité limitée malgré des transferts en hausse
L’agence européenne de statistiques Eurostat a publié en juin 2020 les données concernant l’application du règlement Dublin par les États membres en 2019. Celles-ci font apparaître une augmentation significative des transferts depuis la France. Cependant, le taux de transfert demeure faible et interroge une nouvelle fois la pertinence de ce dispositif aux multiples impacts pour les demandeurs d’asile.
Le ministère de l’Intérieur indique, dans une communication publiée le 12 juin 2020, que 45 097 premières demandes ont été placées sous procédure Dublin lors de l’enregistrement en préfecture sur un total de 138 420 premières demandes. Ainsi, une demande d’asile sur trois (33%) a été considérée initialement comme ne relevant pas de la responsabilité de la France, un ordre de grandeur similaire aux deux dernières années.
Au cours de l’année 2019, 9 869 de ces procédures Dublin (22%) ont été éteintes et requalifiées en procédure normale ou accélérée pour être examinées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L’OFPRA a par ailleurs instruit environ 20 000 demandes enregistrées en préfecture avant 2019 en tant que procédures Dublin et requalifiées en 2019. Le manque de données publiques ne permet pas d’analyser en détail les raisons multiples pouvant entraîner une requalification (refus des États requis, annulations de décisions de transfert par les tribunaux administratifs, expiration du délai de 18 mois suite à une « fuite » des demandeurs d’asile, clause de souveraineté etc.).
La base de données en ligne de l’agence européenne Eurostat permet de compléter ces statistiques ministérielles et d’analyser la mise en œuvre de ce règlement Dublin. Tout d’abord Eurostat recense 48 321 requêtes Dublin émises par la France, soit 3 224 de plus que les données du ministère. Cette différence s’explique en partie par le fait que le ministère ne recense que les premières demandes placées sous procédure Dublin, alors que le placement peut également intervenir lors d’un réexamen (demandeurs d’asile de retour après un premier transfert).
73% de ces requêtes (35 456) concernent des « reprises en charge », c’est-à-dire des situations dans lesquelles les personnes ont déjà formulé une demande d’asile (encore en cours ou déjà traitée) dans un autre État. Les autres demandes (27%) concernent des « prises en charge » c’est-à-dire des situations dans lesquelles l’examen des critères du règlement Dublin fait apparaitre la responsabilité d’un autre État (dans lequel le demandeur est passé, a été admis avec un visa ou encore dispose de liens familiaux) sans qu’aucune demande d’asile n’y ait encore été enregistrée.
Près d’un tiers des demandes émises par la France en 2019 ont été adressées à l’Italie (30% / 14 295), suivie de l’Allemagne (21% / 9 925) et de l’Espagne (14% / 6 882). Les autorités françaises ont également sollicité certains pays pourtant marqués par d’importantes défaillances de leur système d’asile, comme la Bulgarie (1 191 demandes), la Hongrie (1 091 demandes) ou même la Grèce (11 demandes).
La France a obtenu 29 775 accords, ce qui représente un taux d’accord de 62%, en baisse par rapport aux années précédentes. Par la suite, 5 321 transferts vers ces pays ayant donné leur accord ont été mis en œuvre. Le taux de transfert au regard des accords est ainsi de 18% tandis que le taux de transfert au regard de l’ensemble des demandes adressées par la France est de 11%. Ce taux, qui était de 8% en 2018, a donc connu une importante augmentation qui amène les autorités françaises à saluer une meilleure efficacité dans la mise en œuvre du règlement Dublin. Les pouvoirs publics expliquent cette hausse par la généralisation des pôles régionaux Dublin, mis en place pour améliorer l’effectivité de la mise en œuvre du règlement Dublin à travers la désignation de 19 préfectures compétentes pour suivre ces procédures, à l’aide de moyens renforcés.
Le taux de transfert demeure cependant très faible. Près de neuf placements sur dix en procédure Dublin ont ainsi eu pour seul effet de retarder l’instruction d’une demande d’asile, provoquant des ruptures dans les parcours de prise en charge et l’accès aux conditions d’accueil, et mobilisant d’importants moyens humains et financiers pour les autorités.
Concernant les transferts depuis un autre État européen vers la France, les données Eurostat font apparaître 10 668 requêtes soit 22% de plus qu’en 2018 (8 744). Les principaux pays ayant sollicité la France sont l’Allemagne (4 914), la Belgique (1 496) et les Pays-Bas (1 097). La France a donné 7 656 accords (72% des demandes) ce qui a donné lieu à 2 666 transferts effectifs (25% des demandes).