L’enjeu de la santé mentale figurait parmi les sujets prioritaires de l’année 2020 du réseau d’experts sur la vulnérabilité de l’EASO. Grâce à une enquête en ligne auprès des membres associatifs et des autorités nationales et une réunion d’échanges, l’EASO a pu établir une première cartographie sur l’identification des symptômes par les professionnels, les capacités d’accompagnement et d’orientation, et l’efficacité des dispositifs tant au regard des conditions matérielles d’accueil que de la procédure d’asile notamment sur l’entretien avec les autorités en charge de l’asile.  

Les dispositifs et les pratiques d’accompagnement en matière de santé mentale s’intègrent dans le cadre légal européen et le régime d’asile européen commun (RAEC). Ainsi, l’interprétation de la vulnérabilité dans le RAEC prévoit la désignation de groupes vulnérables incluant les personnes avec des troubles mentaux, les victimes de torture et d’autres formes graves de violences psychologiques, physiques ou sexuelles. Une liste de catégories est dressée dans l’article 20(3) de la directive Qualification et l’article 21 de la directive Accueil. Le RAEC prévoit que les États membres doivent fournir une assistance médicale aux demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d’accueil, y compris, s’il y a lieu, des soins de santé mentale appropriés. L’article 25 de la directive Accueil prévoit des dispositions particulières pour les victimes de torture, de viols et d’autres violences graves. Les États membres doivent faire en sorte qu’elles reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par de tels actes et, en particulier, qu’elles aient accès à des traitements ou des soins médicaux et psychologiques adéquats. Il est également stipulé dans les directives Accueil et Procédures que les États membres doivent garantir que le personnel chargé d’intervenir auprès des demandeurs d’asile a eu et continue à recevoir une formation appropriée concernant leurs besoins. Des garanties procédurales spécifiques pour répondre aux besoins de ces personnes sont également prévues dans la directive Procédures à l’article 24.

Selon l’étude, les principaux signes de préoccupation relatifs à la santé mentale détectés par les professionnels sont un sentiment général d’anxiété, l’abus de substance (alcool, cigarettes…), des problèmes de sommeil, le manque de concentration, un comportement et/ou un langage agressif envers le personnel, des pensées suicidaires, des symptômes physiques d’angoisse… Les sources sont variées et peuvent être liées aux expériences négatives dans le pays d’origine, des problématiques médicales ou de santé mentale préexistantes, à l’incertitude et au manque de perspective lié à la demande d’asile, à la longueur de la procédure et à l’absence de statut légal, aux évènements se déroulant dans les centres d’accueil ou encore aux violences familiales. L’étude indique également un consensus sur le fait que certaines vulnérabilités sont plus fréquemment associées à des problématiques de santé mentale notamment la torture, les violences basées sur le genre, et l’orientation sexuelle et l’identité de genre. 

En matière de conditions matérielles d’accueil, le rapport souligne que les dispositifs sont surchargés, tant au niveau des ressources humaines que des moyens financiers. La plupart des États membres indiquent que des systèmes fonctionnels d’identification, d’évaluation et d’orientation vers des services spécialisés pour les personnes avec des besoins spécifiques sont en place. Cependant, une réponse globale, coordonnée et adaptée est aujourd’hui manquante dans certains États membres. Bien qu’il soit admis qu’une absence de prise en charge des problématiques de santé mentale a des conséquences importantes pour le demandeur mais aussi pour le système d’accueil et d’accompagnement, ce sujet n’est toujours pas considéré comme prioritaire par de nombreuses autorités nationales. Les professionnels indiquent qu’une attention plus importante sur la prévention doit être développée. Respecter les délais, parfois courts, de la procédure tout en apportant une information claire, pertinente et ciblée est essentiel pour tous les demandeurs mais en particulier pour ceux avec des besoins spécifiques. Les procédures accélérées sont ainsi plus complexes car elles ne permettent pas une évaluation appropriée des vulnérabilités et impactent les demandeurs qui pourraient dissimuler leurs problématiques de santé mentale pour des raisons culturelles ou religieuses. La plupart des répondants s’accordent à souligner l’importance de la préparation à l’entretien personnel de la demande d’asile et à fournir des informations claires et adaptées aux demandeurs. Ils soulignent également que les enjeux de santé mentale ont un impact important sur l’entretien à la fois en termes de durée, de compétences, de qualité et de crédibilité de l’entretien et d’interprétariat.  

Le rapport relève également que les trois principales difficultés d’identification des personnes avec des besoins spécifiques en matière de santé mentale sont le manque de connaissance et de formation basique, le manque de personnel pour accompagner spécifiquement ces personnes, et le manque de temps et d’espace pour créer des conditions de confiance dans le respect de la confidentialité avec le demandeur. En outre, si l’orientation vers des services spécialisés peut souvent se faire immédiatement après l’identification des besoins, le suivi est retardé en grande partie à cause du manque de professionnels spécialisés. Les services mis en place dans la plupart des États membres regroupent le suivi continu et l’orientation un accompagnement médical/psychosocial gratuit, l’hospitalisation, l’ajustement des conditions d’accueil, des activités éducatives et sociales, des opportunités d’emploi.

Parmi ses recommandations, le rapport souligne en premier lieu l’augmentation des moyens afin de renforcer les actions de prévention et de réponse aux besoins spécifiques des demandeurs. En matière d’organisation, les répondants suggèrent un engagement et un investissement renforcés de la part des autorités incluant des protocoles plus clairs et une meilleure coordination des acteurs impliqués. Des formations spécifiques permettraient de renforcer l’expérience et les compétences des professionnels afin d’identifier, d’accompagner et d’informer les demandeurs.

 

Photo d'illustration : © UNHCR / Federico Schlatter