Dans le cadre du nouveau Pacte européen sur l’asile présenté le 23 septembre 2020, la Commission européenne a publié des recommandations sur les voies légales d’accès à une protection dans l’Union européenne (UE). Le Pacte vise ainsi à accroître le nombre de places de réinstallation et la disponibilité de voies d'entrée complémentaires, et à élargir le nombre de pays offrant ces programmes. Ces nouvelles voies permettraient de réduire l’immigration illégale et de lutter contre les réseaux de passeurs, tout en allégeant la pression sur les pays d’accueil.

La Commission appelle les États à soutenir leurs efforts pour assumer un rôle de premier plan au niveau mondial en matière de réinstallation des réfugiés, une solution durable de protection des plus vulnérables. Ces recommandations s’inscrivent par ailleurs dans le cadre de la stratégie triennale (2019-2021) du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Selon la Commission, entre 2015 et 2018, la part de l’UE dans la réinstallation mondiale est passée de moins de 9 % à 41 % (une hausse qui s’explique cependant en partie par la baisse des réinstallations dans d’autres pays, notamment aux États-Unis). La Commission européenne a notamment développé deux programmes de réinstallation, le premier (2015-2017) de 20 000 places, et le deuxième (2018-2019) de 50 000 places. Elle a également proposé la mise en place d’un règlement européen relatif à la réinstallation et à l’admission humanitaire visant à adopter des procédures communes entre l’ensemble des États membres. Proposé en 2016, ce règlement est toujours en cours de négociations entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE.

Ces engagements cherchent à pérenniser le système des programmes de réinstallation en Europe mais restent cependant très limités face aux besoins croissants, s’élevant à plus de 1,44 millions de personnes en 2020 selon les prévisions du HCR. Lors du 9e Forum sur la réinstallation en juillet 2019, les États membres de l’UE se sont engagés à accueillir environ 29 500 réinstallés au cours de l’année 2020. Toutefois, la pandémie du COVID-19 a gravement perturbé les opérations de réinstallation qui ont été suspendues entre mi-mars et mi-juin. Dans un récent communiqué, le HCR a alerté sur la baisse du nombre de réfugiés réinstallés qui a atteint un niveau le plus bas jamais observé avec un quota de moins de 50 000 places pour toute l’année 2020. Selon les dernières statistiques du HCR, seulement 15 425 réfugiés ont été réinstallés entre janvier et la fin septembre cette année, contre 50 086 durant la même période en 2019. Consciente que les engagements en termes de réinstallation ne pourront honorés intégralement, la Commission a décidé de prolonger la période de mise en œuvre à 2021, afin que les Etats membres puissent adapter leurs méthodes de travail au contexte sanitaire. Ce programme biennal engendre néanmoins la perte de l’équivalent d’une année de mise en œuvre de programmes de réinstallation.

Invitant les Etats à prendre de nouveaux engagements pour 2022, la Commission préconise également le développement de programmes nationaux financés par des fonds publics. Les Etats sont par ailleurs invités à soutenir la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie de 2016 et à poursuivre les programmes de réinstallation d’urgence, notamment depuis la Jordanie et le Liban mais aussi depuis le Niger, la Libye, le Tchad, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan pour contribuer à la stabilisation de la situation en Méditerranée centrale. La Commission souligne également l’importance de la qualité des programmes de réinstallation et appelle les Etats membres à mieux organiser la préparation au départ et la gestion de l’arrivée, à prévoir des capacités d’accueil adéquates en tenant compte des contraintes sanitaires, et à adapter les programmes d’intégration aux besoins spécifiques des réinstallés. Des programmes de suivi et d’évaluation internes sont nécessaires afin de mesurer l’efficacité des programmes de réinstallation et d’intégration.

Le Pacte prévoit également le développement de voies d’accès complémentaires à la protection, telles que des programmes d’admission humanitaire, d’études ou de travail afin d’augmenter le nombre de places offertes. La Commission propose de soutenir la mise en place par les Etats membres de programmes de parrainage communautaires ou privés. Les modèles de « corridors humanitaires » mis en œuvre en Italie, en France et en Belgique, ont notamment permis d’accueillir plus de 2 700 personnes depuis 2016 selon la Commission. Elle souhaite donc élaborer un modèle européen de parrainage communautaire, fondé sur l’expérience acquise par les États membres en la matière en associant le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) à travers son réseau sur la réinstallation et l’admission humanitaire.

D’autre part, afin de faciliter l’accès au droit au regroupement familial, un facteur essentiel à la réussite de l’intégration dans le pays d’accueil comme l’a souligné le HCR, les États membres sont encouragés à mettre en place des programmes améliorant l’accès à l’information et simplifiant la procédure de demande de visa. Des parrainages en familles permettraient en outre d’élargir les critères d’accès aux programmes d’admission pour des motifs humanitaires. Le Pacte préconise également d’améliorer l’accès aux universités pour les jeunes ayant besoin d’une protection internationale, en utilisant les outils de l’UE pour cartographier leurs compétences et qualifications. La Commission encourage les États membres à mettre en œuvre une sélection universitaire spécifique, un soutien financier et des cours de langue adaptés, et à aider les diplômés qui souhaitent rester dans l’État membre à rechercher un emploi. Des programmes de mobilité internationale de la main d’œuvre en partenariat avec le secteur privé doivent par ailleurs être envisagés.  

Afin de faciliter le suivi des engagements, les Etats devront fournir des rapports réguliers au sujet des personnes réinstallées et admises via les autres voies d’entrée complémentaires sur leur territoire. Plusieurs fonds européens devraient également apporter un soutien financier aux Etats. La crise sanitaire risque cependant de continuer d’affecter les programmes de réinstallation et d’admissions complémentaires. Ces recommandations devront permettre d’élargir l’espace de protection tout en garantissant des programmes d’accueil et d’intégration de qualité en associant les autorités nationales, locales, les organisations de la société civile et la communauté d’accueil.

 

Photo d'illustration : © UNHCR/Sebastian Rich