La réunification familiale pour les femmes victimes de la traite bénéficiant d'une protection internationale en Irlande
Depuis janvier 2020, le projet européen TRIPS examine comment garantir un accompagnement adapté aux victimes de traite des êtres humains bénéficiaires d'une protection internationale dans leur parcours d’intégration, tout en prenant en compte leurs besoins spécifiques et leur vulnérabilité. Dans le cadre des activités de recherche et d’analyse menées dans les différents pays partenaires du projet, la réunification familiale figure comme une problématique importante en Irlande.
L'Irlande ne participe pas à la directive européenne sur la réunification familiale. L'éligibilité des bénéficiaires d’une protection internationale (BPI) à la réunification familiale n'est prévue que pour des catégories limitées de membres de la famille et les demandes doivent être soumises dans les 12 mois suivant l'octroi du statut de protection. Si le BPI est un adulte, il peut demander à être réuni avec son conjoint ou partenaire civil et ses enfants non mariés. Si le bénéficiaire est un mineur non accompagné au moment de la demande de protection internationale, il est autorisé à faire une demande pour ses parents et les enfants non mariés de ses parents. À leur arrivée, les membres de la famille bénéficient généralement des mêmes droits que le BPI, bien qu'un permis de séjour soit délivré pour une période plus courte. Au moment où la loi de 2015 a été proposée, l'Immigrant Council of Ireland a observé une réduction de la durée des permis de séjour accordés aux membres de la famille par rapport au BPI et a averti de la résiliation du permis à la cessation du statut du BPI. La réunification avec un conjoint marié ou un partenaire est également moins favorable que les dispositions de la directive Qualification, dans la mesure où seuls les couples dont la relation existait à la date du dépôt de la demande de protection internationale peuvent en bénéficier.
La législation ne prévoit pas de droit de séjour pour les membres de la famille en cas de changements de situation résultant, par exemple, d'une rupture de la relation, du décès ou du départ du BPI du pays. Ces questions sont traitées de manière discrétionnaire par le ministère de la Justice. La loi sur la protection internationale de 2015 a réduit les droits de réunification familiale prévus auparavant par la loi sur les réfugiés de 1996 (tel qu’amendée) (Arnold et Quinn, 2017). La législation supprime la possibilité pour le BPI de demander à être rejoint par des membres de la famille qui ne figurent pas sur la liste explicite des relations éligibles. Auparavant, il était permis de présenter des demandes pour d'autres membres de la famille à charge. Toutefois, ces demandes peuvent être faites dans le cadre d'autres régimes discrétionnaires tels que le programme d’admission humanitaire (IHAP) ou les demandes de visa discrétionnaires. La réunification avec des enfants non mariés est limitée aux seuls enfants biologiques du BPI, par opposition aux enfants de son conjoint ou partenaire civil, ce qui est une norme dans la directive Qualification (article 2.j). Les BPI mineurs qui demandent la réunification familiale ne peuvent être rejoints que par leurs parents et n'ont pas la possibilité d'être réunis avec « un autre adulte responsable du bénéficiaire [mineur] de la protection internationale, que ce soit par la loi ou par la pratique de l'État membre concerné », comme le prévoit la directive Qualification (article 2, point j).
Il n'y a pas de frais de dossier pour les demandes de réunification familiale, mais les frais de demande de visa doivent être payés lors de l’approbation de la demande. Il n'y a pas de délais obligatoires de traitement des demandes et, en général, la durée moyenne est de un à deux ans selon les circonstances, en particulier si des tests ADN sont nécessaires. Ces délais de traitement peuvent être affectés si des questions juridiques surgissent au cours du traitement des demandes et si des procédures judiciaires sont nécessaires afin de clarifier les questions soulevées. Actuellement, les tribunaux irlandais sont saisis de plusieurs contestations judiciaires portant sur diverses questions relatives aux cas de réunification familiale des BPI, notamment concernant le délai des 12 mois, la définition des membres de la famille admissibles et l'interprétation des dispositions relatives à la « vulnérabilité » de l'article 58 de la loi sur la protection internationale.
Comme indiqué précédemment, il n'existe pas d'aide juridique civile pour assister les BPI dans le cadre des demandes de réunification familiale, y compris les coûts associés à l'obtention des documents justificatifs et des traductions nécessaires, ou des demandes de visa. Après approbation, les BPI peuvent obtenir une certaine aide financière par le biais des programmes internationaux d'aide au voyage disponibles auprès d'organisations internationales (HCR, Croix-Rouge internationale, etc.). À l'arrivée, les familles ne bénéficient pas de soutien spécifique en matière d'intégration. Il convient de noter que, contrairement au BPI, les victimes de la traite n'ont pas le droit d'être rejointes par des membres de leur famille, y compris leur conjoint ou partenaire ou leurs enfants mineurs à charge. Une demande de visa peut être soumise, mais elle sera examinée conformément aux directives de les services de l’immigration et déterminée à la discrétion du ministère de la justice.
Ce parcours a été souligné par les ONG engagés dans le projet TRIPS comme étant parfois une barrière en termes d'intégration. La boîte à outils du projet TRIPS abordera cette question et d'autres besoins spécifiques des BPI victimes de la traite en fournissant des informations sur les directives pratiques aux praticiens dans leur travail et leur soutien à ce groupe vulnérable.
Cet article a été rédigé dans le cadre du projet TRIPS - identification of TRafficked International Protection beneficiaries’ Special needs par Immigrant Council of Ireland. Il fait partie d'une série d'articles sur le projet TRIPS élaborés par chaque partenaire du projet : Churches’ Commission for Migrants in Europe, Italian Council for Refugees, Organization for Aid to Refugees, Forum réfugiés-Cosi,
Pour plus d’informations sur le projet européen TRIPS
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