La dématérialisation a d’abord été expérimentée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en Bretagne et en Nouvelle Aquitaine à partir du 15 juillet 2021, avant d’être étendue à l’ensemble du territoire le 2 mai 2022. Les personnes dont la demande d’asile est enregistrée après cette date, sauf celles placées sous procédure Dublin et les mineurs non accompagnés, se voient ainsi remettre des identifiants de connexion à un espace numérique personnel sécurisé et une notice d’explication au moment de l’enregistrement de leur demande au sein du guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA). Les demandeurs doivent alors disposer d’une adresse électronique pour se créer un compte et accéder à un portail.

Les demandeurs d’asile accèdent alors, dans leur « espace usager », à la lettre d’introduction de la demande d’asile, à leur convocation et à la décision statuant sur leur demande d’asile que leur adresse l’OFPRA. Ils reçoivent une notification par courriel leur indiquant la réception d’un courrier sur leur espace personnel et peuvent le consulter en toute autonomie sur l’outil de leur choix ou en libre accès au sein des structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) depuis des bornes de consultation – notamment pour les nombreux demandeurs d’asile n’étant pas orientés vers un lieu d’hébergement dédié. Le marché SPADA, renouvelé début 2022, permet l’emploi d’un médiateur numérique pour accompagner les demandeurs d’asile dans ces démarches.

Si la dématérialisation permet un accès rapide à l’information et facilite l’autonomie des demandeurs d’asile, elle pose également question en termes d’accessibilité. En effet, certains demandeurs d’asile sont analphabètes, beaucoup sont allophones tandis que l’espace numérique propose une offre limitée de langues disponibles. De plus, entre la précarité des personnes non hébergées - difficulté d’accéder à une connexion, non possession, perte ou vol de smartphone - et le fait qu’une part importante du public ne maitrise pas le langage informatique, un nombre conséquent de demandeurs d’asile peuvent se trouver en difficulté dans l’utilisation de ces supports. Certains cas permettent d’être exemptés de cette procédure numérique : les demandeurs d’asile ne peuvent sortir du dispositif s’ils ont un accès impossible à l’espace usager lorsqu’ils résident dans un département au sein duquel aucune SPADA n’est implantée ou lorsque l’OFPRA estime qu’en raison de la situation personnelle du demandeur d’asile ou de sa vulnérabilité, il est préférable de ne pas recourir à ce dispositif.

L’un des enjeux majeurs pour le suivi de la procédure concerne la phase de recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Le dispositif implique notamment que l’ouverture du message électronique mentionnant un rejet par l’OFPRA vaille notification et donc détermine le début du délai de recours devant la CNDA ainsi que de la demande d’aide juridictionnelle. Le défaut de consultation de la décision dans les 15 jours suivant la mise à disposition vaut également notification. L’accompagnement des demandeurs d’asile dans ces démarches est donc crucial afin de ne manquer une possibilité de recours – une étape parfois déterminante (en 2021, un tiers des protections ont été accordées par la CNDA).

D’autres enjeux liés à la dématérialisation interviennent après l’obtention d’une protection au titre de l’asile. Le ministère de l’Intérieur a mis en place un portail intitulé « administration numérique pour les étrangers en France » (ANEF) qui permet notamment aux étrangers de faire une demande de titre de séjour en ligne au sein d'un portail de demande unifié. Ce système permet de centraliser les demandes et de rajouter des documents lors de la procédure. Une fois qu’un étranger est protégé au titre de l’asile, il doit depuis mai 2022 renseigner ses données personnelles sur ledit portail afin d’enregistrer sa demande de titre de séjour. Toutes les préfectures ne prévoient pas encore de solutions alternatives au portail dématérialisé pour les personnes victimes de la fracture numérique, malgré une décision du Conseil d’État datant du 3 juin 2022 qui appelait le ministère de l’Intérieur à établir une solution de substitution. On constate par ailleurs quelques difficultés liées au document provisoire remis dans l’attente de l’instruction du titre, qui freinent l’intégration : l’attestation provisoire d’instruction (API) qui remplace le récépissé de demande de titre de séjour délivré précédemment n’est pas encore mentionnée dans les textes réglementaires permettant l’accès aux allocations familiales et à l’assurance maladie, tandis que de nombreux établissements bancaires ne reconnaissent pas ce document pour justifier de l’identité d’une personne souhaitant ouvrir un compte. Des améliorations, annoncées par le ministère de l’Intérieur, sont attendues sur ces aspects.