L’un des objectifs du projet de loi sur l’asile et l’immigration est de «simplifier les règles du contentieux ‘étranger’ ». Les dispositions envisagées ont cependant un impact sur le droit au recours des étrangers, avec notamment une réduction de plusieurs délais pour contester les décisions administratives les concernant.

Le projet de loi sur l’asile et l’immigration, présenté en Conseil des ministres le 1er février 2023, comporte une partie intitulé « Simplifier les règles du contentieux relatif à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers ». À travers quatre articles, le gouvernement propose ainsi une modification en profondeur de certaines procédures en s’inspirant d’un rapport sur la simplification du contentieux publié par le Conseil d’État en octobre 2020.

Lorsqu’ils se voient notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF), les étrangers en situation irrégulière sont aujourd’hui soumis à des procédures assorties de délais variés en fonction de leur situation. L’exposé des motifs du projet de loi fait ainsi état d’une douzaine de procédures existantes, que le projet de loi propose de réduire à quatre grandes catégories.

Les personnes qui se verront notifier une OQTF assortie d’un délai de départ volontaire, par exemple lorsque la décision d’éloignement fait suite à un refus de titre de séjour, auront toutes un délai de recours d’un mois, et le juge administratif sera tenu par un délai de jugement de six mois.

Les étrangers concernés par une OQTF sans délai de départ volontaire, par exemple lorsque la préfecture estime qu’il y a un risque de fuite, ne disposeront que de 72 heures (3 jours) pour saisir le tribunal tandis que ce dernier devra statuer dans un délai de six semaines. Ici les délais sont réduits par rapport à l’hypothèse précédente car on considère que l’étranger doit être éloigne plus rapidement.

Lorsque l’OQTF est assortie d’une assignation à résidence (il peut s’agir ici d’une OQTF sans délai de départ volontaire, ou d’une situation dans laquelle le délai de départ a expiré), l’étranger disposera d’un délai de recours de sept jours et le tribunal devra se prononcer en quinze jours maximum. Le délai est ici plus important que celui prévu par le droit actuel qui n’accorde que 48 h (2 jours) à l’étranger pour faire un recours en cas d’assignation à résidence, mais il demeure réduit : l’assignation à résidence, qui consiste à obliger une personne à résider dans un lieu fixé par la décision et à circuler dans un périmètre restreint, est une mesure administrative qui limite la liberté fondamentale d’aller et de venir et qui ne peut donc s’étendre trop longtemps sans être soumise à l’appréciation d’un magistrat.

Enfin, lorsque l’OQTF (sans délai de départ ou lorsque celui-ci est expiré) s’accompagne d’un placement en rétention alors le délai de recours serait réduit à 48 heures (2 jours) et le délai de jugement à 96 heures (4 jours). Les délais sont encore réduits dans cette hypothèse car les mesures portent une atteinte encore plus forte aux libertés individuelles, à travers une privation de liberté au sein d’un local ou d’un centre de rétention administrative : une telle situation, décidée par l’administration, doit ainsi être rapidement examinée par le juge administratif.

Ce schéma constitue effectivement une simplification au regard du cadre actuel, mais le projet de loi prévoit plusieurs exceptions qui font perdurer une certaine complexité tout en impactant le droit au recours des personnes. Ainsi, lorsque l’OQTF (normalement assortie d’un délai de départ volontaire) est notifiée à une personne déboutée de sa demande d’asile, elle ne pourra être contestée que dans un délai de 7 jours contre 15 jours actuellement (délai de jugement de 15 jours). Ces mêmes délais sont prévus pour le contentieux de l’enregistrement de la demande d’asile et des conditions matérielles d’accueil, jusqu’ici soumis au droit commun des recours administratifs (délai de recours de 2 mois). Un autre type de décision d’éloignement, les décisions de transfert vers un autre pays européen au titre du règlement Dublin, est aussi concerné par une réduction des délais de recours qui passent de 15 à 7 jours (avec 15 jours de délai de jugement). En cas d’assignation à résidence, le délai reste identique ce qui constitue un allongement par rapport à la situation actuelle qui prévoit délai de 48h pour contester une décision de transfert Dublin en cas d’assignation à résidence – ce délai demeure prévu en cas de placement en rétention, le juge disposant de 96 heures pour statuer dans ce cas-là.

Au-delà des enjeux liés aux délais, le droit à un recours effectif est également impacté par plusieurs autres dispositions de cette partie de la loi. En effet, des dispositions prévoient une possibilité de juger par vidéo-audience les étrangers placés en rétention lors des procédures devant le juge des libertés et de la détention ou le juge administratif. L’objectif recherché est de limiter les déplacements au tribunal des étrangers et des policiers qui les accompagnent, mais cela impacterait la qualité des jugements – la vidéo-audience ne pouvant prétendre atteindre la qualité des échanges et de la relation que permet une audience présentielle. La partie consacrée à la simplification du contentieux présente par ailleurs un autre recul pour les droits des personnes avec l’allongement du délai de jugement (et donc de privation de liberté pour l’étranger) de 24 à 48h lorsque le juge des libertés et de la détention doit se prononcer sur la légalité du maintien en zone d’attente en cas de placement simultané « d’un nombre important d’étrangers ».

Ces dispositions doivent désormais être débattues par les parlementaires. L’examen du projet de loi a débuté le 15 mars 2023 par un examen en séance publique au Sénat.