Comme chaque année depuis 2011, les associations assurant une mission d’aide à l’exercice des droits en centre de rétention administrative publient un rapport sur la situation dans ces lieux. Celui portant sur l’année 2023 alerte notamment sur l’utilisation abusive et détournée de ces lieux d’enfermement et sur l’insuffisante prise en compte de l’état de santé des étrangers malades.

Le mardi 30 avril, le rapport annuel dressant l’état des lieux de la situation dans les centres de rétention administrative (CRA) et dans les locaux de rétention administrative (LRA) pour l’année 2023 a été publié par les associations Forum réfugiés, France terre d’asile, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, La Cimade et Solidarité Mayotte. Ces cinq organisations assurent une mission d’information et d’aide à l’exercice effectif des droits auprès des personnes retenues.

Un centre de rétention administrative (CRA) est un lieu privatif de liberté dans lequel l’administration place des personnes étrangères afin de mettre en œuvre leur éloignement. On en dénombre 21 dans l’hexagone et 4 en Outre-mer pour un total de 1 948 places. Un local de rétention administrative (LRA) quant à lui, est un lieu d’enfermement dans lequel les personnes étrangères peuvent être placées pour une courte durée, avant un éventuel transfert dans un CRA.

En 2023, 16 969 personnes ont été enfermées en CRA en métropole. Parmi ces personnes, on dénombre 87 mineurs, dont l’âge moyen est de 8 ans, accompagnant leur famille enfermée. Les principaux pays d’origine des personnes enfermées en 2023 dans les CRA métropolitains étaient l’Algérie (33,2%), la Tunisie (11%) et le Maroc (10,5%). La durée moyenne d’enfermement s’allonge progressivement chaque année, et atteint désormais 28,5 jours (contre 23 en 2022). Pour rappel, elle était de 12,8 jours en 2017 avant le doublement de la durée maximale de rétention en 2018 (passant de 45 à 90 jours).

À ces données sur la métropole, il faut ajouter 29 986 personnes retenues en outre-mer ce qui porte le total des placements en rétention à 46 955 (+8% par rapport à 2022).

Le rapport souligne que la première raison de placement en rétention en métropole reste la décision d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec plus de 74,6% des cas recensés. Elle est suivie par l’interdiction de territoire français (ITF) prononcée par le juge pénal en cas de condamnation à une infraction (12,2%) puis des décisions de transfert selon la procédure « Dublin » (demandeurs d’asile renvoyés vers un autre pays européen, 6,1 %).

Globalement, le taux d’éloignement depuis les CRA métropolitains demeure limité : seules 35,9 % des personnes placées en CRA ont été éloignées depuis ces lieux ce qui représente 5 511 personnes, près des deux tiers étant libérés (notamment pas les juges constatant des procédures irrégulières) ou assignées à résidence. En 2022, ce taux était de 44,6 %. Les éloignements se font en partie à destination de pays de l’Union européenne (12,5 %), comme la Roumanie (398), l’Allemagne (317) et l’Espagne (213) tandis que l’Algérie (1 117 personnes éloignées vers cet État), l’Albanie (481) et la Tunisie (359) sont les principaux pays de destination hors UE.

Les associations alertent une nouvelle fois sur l’utilisation abusive et détournée de ces lieux d’enfermement au motif d’un trouble à l’ordre public, une notion floue et manquant d’encadrement juridique. Des décisions d’éloignement et d’enfermement sont ainsi prises sur le fondement de suspicions ou de faits pour lesquels les personnes visées n’ont pourtant pas été condamnées.

De plus, le rapport fait état d’une augmentation conséquente d’actes de violences au sein des centres de rétention administrative au cours de l’année 2023. En effet, les associations constatent une hausse du nombre de plaintes pour violences déposées par les personnes retenues et recueillent de plus en plus de témoignages sur divers types d’agression au sein de ces lieux. La loi du 26 janvier 2024, qui élargie les possibilités de placement en rétention notamment pour les personnes présentant une menace à l’ordre public, devrait encore aggraver ce contexte.

Enfin, le rapport 2023 met en lumière l’insuffisante prise en compte, par l’administration, de l’état de santé des personnes retenues et éloignées. Ce manquement est constaté à tous les stades de la procédure. D’abord, on relève une prise en compte aléatoire de l’état de santé des étrangers au moment de l’édiction des décisions d’éloignement et de placement en rétention. Ensuite, de nombreux obstacles se manifestent dans l’accès aux soins au sein même des CRA. Enfin, le rapport souligne les difficultés rencontrées dans l’accès aux procédures de protection contre l’enfermement et l’éloignement des personnes étrangères malades.