Asile : de plus en plus de territoires concernés par des situations de conflit ouvrant droit à la protection subsidiaire
L’une des formes de protection au titre de l’asile, la protection subsidiaire, suppose notamment que les instances de l’asile considèrent que la situation dans le pays d’origine est suffisamment grave pour permettre une protection à tous les civils qui le fuient. Depuis 2023, la liste des territoires concernés a été largement étendue par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Dans l’hypothèse où l’examen d’une demande d’asile ne remplit pas les conditions permettant d’accorder la qualité de réfugié à un demandeur, sur la base de la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié, celui-ci peut se voir octroyer une protection subsidiaire dans certaines conditions. Cette protection permet de répondre à un risque réel de subir, dans son pays d’origine, des atteintes graves de différentes natures. C’est le cas notamment en cas d’exposition d’un civil à « une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international » (Article L.512-1 3° du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
Dix pays d’origine des demandeurs d’une protection internationale sont aujourd’hui le théâtre de conflits armés, internes ou internationaux, regardés par les juges de l’asile en France comme engendrant une telle « violence aveugle ». Au cours de l’année écoulée, si la liste de ces pays s’est allongée, on observe également une inflation du nombre des régions dont le niveau de violence aveugle est désormais regardé comme atteignant une « intensité exceptionnelle ». Les civils fuyant ces régions se voient dès lors accorder une protection sans avoir à justifier être individuellement et personnellement exposés.
Le caractère fluctuant des conflits armés et de leur intensité conduit la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) à faire régulièrement évoluer sa position relative à la qualification de ceux-ci. Depuis le début de l’année 2023, des situations de violence aveugle d’intensité exceptionnelle ont ainsi été identifiées dans des pays qui n’en connaissaient pas, tandis que d’autres pays ont vu s’accroitre le nombre de leurs territoires concernés.
La CNDA a ainsi estimé en décembre 2023 qu’Haïti, lourdement touché par un conflit armé interne dans lequel s’opposent plusieurs acteurs criminels et gouvernementaux, compte des zones dans lesquelles ce conflit génère une violence aveugle d’intensité exceptionnelle. Il en va de même au Soudan, déjà touché par des conflits préexistants, auxquels s’est ajouté celui opposant, depuis avril 2023, les Forces Armées Soudanaises et les Forces de Soutien Rapide. La Cour a dans plusieurs décisions depuis juillet 2023 que le seuil de l’exceptionnelle gravité a été atteint dans l’État de Khartoum et dans quatre États de la région du Darfour. Cette qualification a également été décernée en avril 2023 au conflit sévissant dans la région du Hiran, en Somalie, pays où s’affrontent principalement forces gouvernementales et miliciens islamistes.
La situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle a aussi été retenue en février 2024 pour la bande de Gaza, en raison des conditions humanitaires et du conflit armé entre le Hamas et les forces armées israéliennes depuis le 7 octobre dernier. Du côté du Sahel, où les populations civiles sont victimes des luttes opposant groupes djihadistes armés et forces régulières, les régions de Gao et Menaka au Mali (décisions de février et mai 2023), celles de Tillaberi et de Diffa au Niger (décisions de mai et juillet 2023), ainsi que le Centre-Est au Burkina Faso (décision de novembre 2023), ont rejoints le nombre de celles où l’intensité exceptionnelle des conflits a été identifiée. Enfin, en Ukraine, où la violence aveugle engendrée par le conflit touchant le pays était déjà qualifiée d’intensité exceptionnelle dans les oblasts de l’Est du pays depuis fin 2022, la Cour a étendu cette qualification aux oblasts de Mykolaïev, de Dnipropetrovsk, ainsi que de Kherson entre juin et novembre 2023.
Dans ces régions où sévit une violence aveugle dont l’intensité est qualifiée d’exceptionnelle, l’exposition à une menace grave contre la vie ou la personne du demandeur d’asile est considérée comme établie du seul fait de sa présence dans l’une de ces zones, qu’il en soit originaire ou qu’il ait à la traverser. La protection subsidiaire lui est alors accordée, même en l’absence de craintes personnalisées, à la condition que sa nationalité et sa provenance soient bien établies.