La loi du 10 septembre 2018 introduit la possibilité pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de procéder aux convocations à l’entretien personnel ainsi qu’à la notification de ses décisions, « par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur ». Actuellement, certains actes sont notifiés par courrier simple (lettre justifiant l’introduction de la demande et indiquant la date de convocation à l’entretien), d’autres par lettre recommandé avec accusé de réception (notification de la décision). Une alerte par SMS est prévue lorsque le demandeur dispose d’un numéro de portable, mais elle ne remplace pas le courrier.

À l’avenir, l’ensemble de ces échanges pourraient intervenir par voie électronique : l’OFPRA mène un travail en ce sens afin de mettre en œuvre l’évolution souhaitée par le législateur. Le défi pour l’Office est de parvenir à traduire une norme réglementaire en termes de sécurisation informatique, eu égard à la sensibilité des informations concernées. Il est envisagé d’établir un portail numérique dans lequel chaque demandeur d’asile aurait un espace personnel sécurisé, où seraient versés les différents documents de sa procédure de demande d’asile.

Les informations sur les nouvelles modalités de convocation et de notification, seront données par la préfecture lors du passage au guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA). Le GUDA étant cependant déjà une étape où de très nombreuses informations doivent désormais être délivrées au demandeur, il est à craindre que ces informations supplémentaires ne soient pas toujours comprises.

Ces nouvelles modalités de transmission des éléments de la procédure OFPRA risquent par ailleurs d’entraîner des sollicitations supplémentaires auprès des associations. Outre l’aide qu’il sera sans doute nécessaire d’apporter à certains demandeurs d’asile pour l’utilisation même du portail, il sera indispensable d’effectuer certaines opérations : par exemple, imprimer la décision pour qu’elle soit transmise dans le cadre d’un recours ou vérifier les dates de notification des décisions pour s’assurer que les recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile soient bien formés dans les délais.

D’autres questions se posent encore. Le portail sera-t-il traduit en plusieurs langues ? De quelle façon un demandeur d’asile pourra t’il se prévaloir d’une défaillance technique dont il ne serait pas responsable ? Une inquiétude particulière existe pour les demandeurs sans accompagnement ou sous contrainte (victimes de traite des êtres humains notamment) : pour ces personnes, la procédure par courrier postal, qui se réalise par l’intermédiaire d’une association, représente une garantie minimum de connaissance de leur situation par un professionnel. Le décret du 14 décembre 2018 pris pour l’application de ces dispositions, a prévu un dispositif dérogatoire de notification par lettre recommandée: il ménage la possibilité pour l’OFPRA de notifier sa décision par ce moyen lorsqu’il considère que cela est nécessaire pour des motifs liés à la situation personnelle du demandeur ou à sa vulnérabilité, ou lorsque le demandeur établit qu'il n'est pas en mesure d'accéder au procédé électronique. Il est à noter que ce dispositif dérogatoire n’est pas explicitement prévu pour les convocations. L’OFPRA a indiqué qu’il pourrait changer le mode de notification en cours de procédure dès lors qu’il s’avèrerait que la situation d’un demandeur n’est pas ou plus compatible avec le système dématérialisé. Les règles d’analyse de la situation personnelle du demandeur restent toutefois à établir par l’OFPRA.

Face aux inquiétudes de plusieurs acteurs de l’asile, le ministère de l’Intérieur a affirmé qu’il reviendrait à l’État de garantir au demandeur un accès au portail, au sein des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile ou des plates-formes d’accueil pour demandeurs d’asile (PADA) pour ceux qui ne sont pas hébergés. À défaut, le système dérogatoire de notification par courrier recommandé continuerait à s’appliquer. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), en charge de l’accueil des demandeurs d’asile, devrait ainsi mener une étude sur les moyens nécessaires en préalable à la mise en application du nouveau dispositif. En tout état de cause, cette mise en place ne sera pas possible avant la fin de l’année 2019, en raison des questions restant à régler.

Dans un système de demande d’asile de plus en plus complexe et dans lequel plus de la moitié des demandeurs sont sans hébergement, cette modification de la procédure renvoie une nouvelle fois à la nécessité de l’accompagnement dédié pour les demandeurs d’asile. À défaut, ces nouvelles modalités risquent soit de ne pas pouvoir être mise en œuvre par l’OFPRA, soit de provoquer des incidents de procédure préjudiciables au bon exercice du droit d’asile.