Retour volontaire : un dispositif en évolution ?
En 2018, près de la moitié des éloignements ont eu lieu dans le cadre d’un retour volontaire. Plusieurs dispositifs se développent pour favoriser ce type de démarche, moins coûteuse pour l’Etat qu’un retour forcé et généralement plus respectueuse des droits des personnes. Dans le même temps cependant, les orientations politiques en matière d’éloignement visent plutôt à renforcer les mesures coercitives.
Les débats autour de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière portent souvent sur les dispositifs coercitifs établis pour mettre en œuvre les décisions préfectorales, notamment l’enfermement dans les centres de rétention administrative (voir à ce sujet notre article de newsletter de juin 2019). Une partie importante des étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement quitte pourtant la France chaque année de façon volontaire.
En 2018, le ministère de l’Intérieur indique que 14 599 étrangers en situation irrégulière ont fait l’objet d’un retour volontaire. Cela représentait presque la moitié (48%) de l’ensemble des éloignements en 2018 (30 276 éloignements mis en œuvre). Parmi ces départs volontaires, 7 754 ont été « spontanés », tandis que 6 845 ont été « aidés » (l’Office français de l’immigration et de l’intégration - OFII - mentionne cependant 10 678 bénéficiaires dans son rapport d’activité 2018)
Plusieurs dispositifs, décrits dans un arrêté de 2018, sont mis en place par l’OFII pour inciter les étrangers en situation irrégulière à partir volontairement. L'aide au retour de base comprend une assistance pour préparer le voyage (réservation des billets, obtention des documents de voyage etc.) et une prise en charge des frais de transport.
Une aide financière peut également être accordée : elle s’élève à 300 € pour les pays dispensés de visa d’entrée en France et pour le Kosovo, et à 650 € pour les autres pays. Une aide complémentaire de 150 € peut être versée si le demandeur dispose d’un passeport ou se charge de son obtention. Enfin, l’OFII peut décider d’une majoration exceptionnelle qui peut atteindre 1 200 € par personne. Un arrêté du ministère de l’Intérieur en date du 6 septembre 2019 indique que cette majoration peut atteindre 1 850 € pour les demandes formulées jusqu’au 31 décembre 2019 (le montant total de l’aide peut ainsi atteindre 2 650 €). La décision de majoration de l’OFII doit s’inscrire « dans le cadre d'opérations ponctuelles d'incitation au retour » et ne peut concerner que « les ressortissants d'une ou plusieurs nationalités ou pour des catégories définies en fonction de leur situation administrative ». Le directeur de l’OFII, interrogé en septembre 2019, a ainsi indiqué que « les personnes concernées par cette mesure sont celles originaires d’Iran, d’Afghanistan et d’Irak présentes en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France », régions où les autorités mènent régulièrement des opérations de démantèlement de campements. Une majoration du même type, mise en place début 2018, avait entraîné une forte hausse des retours volontaires d’Afghans (deuxième nationalité bénéficiaire des aides au retour en 2018, derrière les Albanais).
L’OFII peut également proposer une aide à la réinsertion, pour les ressortissants de 18 pays où ce type de programme est mis en œuvre. Il peut s’agir d’aider à la réinsertion sociale à l’arrivée (prise en charge de frais liés au logement, à la santé, à la scolarisation des enfants), ou de favoriser la réinsertion par l’emploi ou la création d’entreprise suite au retour.
La loi asile-immigration de septembre 2018 a par ailleurs ouvert la possibilité de proposer des aides au retour pour les étrangers placés en centre de rétention administrative. Le caractère « volontaire » de ces retours peut cependant se discuter, dans ce contexte de privation de liberté : il s’agit en réalité d’une mesure visant à inciter au retour des personnes pour lesquels l’obtention des documents de voyage – et donc la mise en œuvre du retour forcé – pourrait s’avérer complexe sans coopération de l’étranger concerné.
Des « dispositifs de préparation au retour » (DPAR) ont également été instaurés en 2017, d’abord à titre expérimental avant d’être développés par la suite. En 2020, alors qu’aucune nouvelle place d’accueil pour demandeurs d’asile ne sera créée, le projet de loi de finances prévoit l’ouverture de 130 nouvelles places de DPAR, dans un parc d’hébergement qui devrait compter 1 000 places fin 2019. Les missions de ces dispositifs, qui ne figurent cependant dans aucun cahier des charges actuellement, consistent à héberger et accompagner les déboutés de l’asile vers une démarche de retour volontaire.
Le développement de ces différentes options de retour, valorisées à travers un site Internet dédié mis en place par l’OFII en 2018, semblent témoigner d’une volonté de favoriser ce type de démarche. Un rapport parlementaire publié en juin 2019 par deux députés de la majorité, estime qu’un retour aidé coûte entre 2 500 et 4 000 € par personne contre 14 000 € environ pour un retour forcé et préconise ainsi d’ « encourager la promotion de l’aide au retour et à la réinsertion et faciliter les démarches des candidats potentiels ». La directive européenne dite « Retour » exige d’ailleurs de n’utiliser la rétention qu’en dernier ressort et de favoriser les alternatives à l’enfermement.
Pourtant, les orientations politiques récentes tendent plutôt à renforcer les mesures de retour coercitives. La loi du 10 septembre 2018 a ainsi doublé la durée maximale de rétention, passée de 45 à 90 jours, et a étendu les hypothèses dans lesquelles une décision d’éloignement sans délai de départ volontaire peut être prononcée. Les instructions ministérielles adressées aux préfets vont également dans ce sens. Le plan gouvernemental sur l’immigration présenté le 6 novembre 2019 poursuit cette dynamique, en annonçant notamment la création de nouvelles places en centre de rétention (voir la position de Forum réfugiés-Cosi à ce sujet). Les pratiques des autres pays européens, mais également l’analyse de résultats en matière de retour volontaire, devraient pourtant inciter à développer ces politiques d’éloignement qui s’avèrent à la fois plus efficaces, moins coûteuses, et plus respectueuses des droits des personnes.