Bénédicte de la Taille a mené une recherche-action pendant plusieurs mois auprès de femmes hébergées au Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) de Villeurbanne (Rhône) afin d’appréhender leurs expériences durant le parcours migratoire, puis dans le pays d’accueil. Sa démarche a notamment mis en lumière les enjeux spécifiques liés aux situations de femmes isolées ou seules avec enfants. Cette recherche-action fut à la fois un projet de recherche, mais aussi un projet participatif et collectif autour de la photographie, mené avec et par neuf femmes hébergées au CADA. Bénédicte de la Taille a dirigé des ateliers collectifs et des entretiens individuels, et fourni un appareil photo afin que ces femmes puissent documenter elles-mêmes leurs quotidiens.

Lors de la conférence, Alexandra Beckley et Cindy Di Jusco, ont présenté les dispositifs et les écueils du traitement juridique de la demande d’asile, et apporté des éclairages sur la politique d’accueil et de protection pour ces femmes. En 2018, les femmes représentaient 33,2 % des demandes d’asile et 36,8 % des protections reconnues cette année-là. Par ailleurs, 40 % des personnes actuellement protégées par la France au titre de l’asile sont des femmes. Bénédicte de la Taille a rappelé que « les rôles sociaux assignés aux femmes et aux hommes, qui varient selon les pays, assignent un statut et une valeur supérieure aux hommes par rapport aux femmes », ce qui « crée des inégalités entre les femmes et les hommes, et sont également à la source des violences faites aux femmes ». Par ailleurs, ces inégalités et ces violences influent sur les facteurs de départ, le parcours migratoire, et les expériences dans le pays d’accueil. D’ailleurs en ce sens, l’intervenante souligne, qu’une fois arrivée dans le pays d’accueil, les vio­lences de genre ne sont pas finies : « la non-reconnaissance et non prise en compte de la nature sexuée de la migration et des violences spécifiques de genre dans les procédures d’asile tendent à reproduire et prolonger ces violences ».

Par la suite, les intervenantes sont revenues sur certains des résultats clés de la recherche-action qui a été menée. L’un des premiers éléments qui est ressorti de cette recherche est d’abord la constatation de la diversité des parcours migratoires. Si les femmes interrogées sont toutes parties et arrivées seules en France, leurs expériences, leurs situations avant le départ et les motifs de départ sont extrêmement divers. Ces femmes ont toute connu la rue avant l’arrivée au CADA. À ce titre, Bénédicte de la Taille rappelle que « seulement 48 % des personnes en demande d’asile ont aujourd’hui accès à un hébergement, et la vie à la rue constitue un enjeu spécifique pour les femmes qui peuvent subir du harcèlement, des viols, et qui sont souvent accompagnés de leurs enfants ». Une fois qu’elles arrivent au CADA, « celui-ci constitue un lieu de protection et de soulagement après le parcours de rue. mais paradoxalement, les femmes y expérimentent une grande forme d’isolement voir d’insécurité ». De plus, au sein du CADA, « un des enjeux clés concerne les problématiques liées à la maternité en tant que femme exilée et seule : il y a de vraies difficultés de parentalités, surtout quand il n’y a pas de système de garde pour les enfants en bas âge ». Enfin, certaines femmes interrogées ont mentionné des expériences de racisme et sexisme dans les espaces publics et des difficultés d’accès aux services et aux soins en particulier.

En dernier lieu, les intervenantes ont souhaité conclure en apportant quelques recommandations au sujet des problématiques précédemment évoquées. Par exemple, il est évoqué la nécessité de mettre en place des programmes psychosociaux dédiés aux femmes. De même, il faudrait mettre en place des accompagnements spécifiques à la parentalité en situation d’exil.

 

Lire le mémoire de Bénédicte de la Taille