S’étant déjà prononcé, à de nombreuses reprises, sur les situations d’atteintes aux droits dans ce département, le Défenseur des droits, dans son rapport publié le 11 février 2020, a constaté que l’écart entre les droits consacrés et ceux effectivement appliqués – notamment les droits de l’enfant, les droits des personnes étrangères et le droit d’accès à la santé - demeure important.

L’île française, située dans l’Océan Indien, connait depuis plusieurs années une augmentation du nombre d’arrivées de migrants (48 % de la population y est étrangère). En 2019 des moyens renforcés ont été mis au service de la lutte contre l’immigration irrégulière. Le nombre d’éloignements a augmenté, mais en s’accompagnant, dénonce le rapport, d’un nombre préoccupant de manquements à la loi : interpellations illégales survenues parfois au sein des domiciles, éloignements exécutés en violation des dispositions nationales et internationales, entraves à l’exercice du droit à l’assistance juridique et d’accès au juge, etc.

En matière de droits de l’enfant, le Défenseur des droits relève l’ineffectivité du droit à la scolarisation et des défaillances multiples du dispositif de protection de l’enfance. Par ailleurs, il regrette que la rétention des mineurs demeure très importante dans ce département (1 221 enfants ont été enfermés au centre de rétention administrative de Pamandzi en 2018). S’agissant des mineurs non accompagnés (MNA), plusieurs pratiques illégales ont été signalées : certains MNA ont vu leur date de naissance modifiée par les autorités afin de pouvoir les éloigner ; d’autres, arrivés sur le territoire mahorais en kwassa-kwassa (embarcations de fortune), ont été rattachés arbitrairement à un adulte en situation irrégulière arrivé par les mêmes moyens afin que la mesure d’éloignement prise à l’égard de l’adulte concerne également l’enfant.

La politique d’accueil et d’intégration des étrangers et des demandeurs d’asile est par ailleurs pratiquement inexistante dans ce département. En vertu de dispositions dérogatoires, le système d’asile français ne s’applique pas intégralement : il n’existe notamment aucun centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) n’est pas versée. En lieu et place, dans les faits, c’est l’association Solidarité Mayotte qui se charge d’assurer l’hébergement des demandeurs d’asile et de leur distribuer des bons alimentaires. Toutefois, le nombre de places en hébergement est insuffisant et l’aide matérielle offerte via les bons alimentaires – dont la valeur s’élève à 30 euros par mois – est très dérisoire, tant le coût de la vie sur l’île est élevé. De plus, récemment, l’association a dû temporairement interrompre la distribution de bons alimentaires pour les demandeurs d’asile faute de moyens financiers (voir un article de presse à ce sujet). 

Concernant la santé, l’aide médicale d’État (AME) ne s’applique pas, alors que la complémentaire santé solidaire (auparavant CMU-c) est inexistante. A cela s’ajoute une offre de soins sous-dimensionnée au regard des besoins (on compte 20 médecins généralistes pour une population totale estimée à plus de 250 000 habitants et un ratio de 1,6 lits d’hôpital pour 1000  habitants). Dans ce contexte, les associations rencontrées par les services du Défenseur des droits relèvent que des difficultés d’accès aux soins persistent pour les personnes non affiliées, y compris les mineurs et les femmes enceintes.

Face à une situation dans ce département encore caractérisée par un problème majeur d’accès aux services publics et d’exercice réel des droits, le Défenseur de droit recommande que les mesures nécessaires soient mises en place afin de garantir aux habitants de Mayotte une égalité des droits réelle avec ceux de la métropole.