Après une expérimentation lancée à l’été 2017, les centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) ont été implantés sur l’ensemble du territoire dès 2018. Les missions étaient alors définies dans une instruction ministérielle publiée en décembre 2017, mais le rôle des CAES était alors très différent selon les territoires. En Ile-de-France et à proximité du littoral nord (Hauts-de-France et Normandie), ces centres accueillaient principalement des migrants orientés depuis la rue ou des campements, notamment suite à des opérations de démantèlement ou des maraudes, ou depuis des accueils de jour à Paris. Sur ces territoires, les demandes d’asile formulées depuis les CAES étaient peu nombreuses, les personnes hébergées préférant souvent quitter ces lieux avant d’entamer cette démarche, notamment pour éviter un placement sous procédure Dublin.

Sur d’autres territoires, les CAES jouaient un rôle différent, accueillant des personnes ayant déjà manifesté leur volonté de demander l’asile depuis une structure de premier accueil pour demandeur d’asile (SPADA) ou ayant déjà enregistré leur demande au sein d’un guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA). La mission principale de ces CAES était alors de proposer un hébergement rapide pour des personnes vulnérables, avant orientation vers une autre place du dispositif national d’accueil (DNA). Cette démarche étant rendue compliquée par la saturation du DNA, les durées de séjour dans ces CAES excédaient bien souvent la durée prévue dans l’instruction ministérielle (1 mois), certaines personnes restant même dans ces lieux jusqu’à l’obtention du statut de réfugié.

Les CAES peinaient ainsi à jouer leur rôle, visant à mieux répartir les demandeurs d’asile depuis les territoires d’arrivée. Le schéma national d’accueil publié en décembre 2020 (voir notre article de janvier 2021 à ce sujet) cherche à redonner cette vocation aux CAES, décrits dans ce document comme un « sas d’accueil » vers lequel doivent être orientés rapidement les demandeurs d’asile issus de régions accueillant davantage de demandeurs d’asile que ne le permet leur capacité d’accueil (seule l’Ile-de-France est concernée dans un premier temps), avant une nouvelle orientation vers une place du DNA au sein de la région d’implantation du CAES.

Ce schéma ne peut fonctionner qu’avec un nombre suffisant de places de CAES sur l’ensemble du territoire français, et avec une rotation importante au sein de ces lieux rendue possible par des propositions d’hébergement à la sortie – sans pour autant désorganiser l’accueil des demandeurs d’asile au niveau local où le nombre de places insuffisant laisse de nombreuses personnes sans solution. S’il est encore trop tôt pour évaluer ce second aspect, qui suscite de nombreuses interrogations en raison de la saturation de l’ensemble du DNA, la loi de finances 2021 consacre des crédits significatifs à la création de places de CAES. Il est ainsi prévu que l’on passe de 3 136 places fin 2020 à 4 636 places à la fin de l’année suivante soit une hausse de 48% (le détail par région figure dans une instruction ministérielle de janvier 2021). 

Afin de clarifier les missions des CAES, et d’éviter les pratiques très diverses constatées jusqu’alors au sein de ces lieux, un cahier des charges a par ailleurs été publié dans un arrêté du 13 janvier 2021. Le public cible demeure mixte, composé à la fois de « personnes souhaitant demander l’asile » (et qui n’ont donc pas encore enregistré leur demande) et de « personnes en cours de procédure » d’asile (toutes procédures confondues) orientées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) dans le cadre de l’orientation nationale prévue par le Schéma national, mais également au regard des besoins locaux. La durée de séjour demeure également fixée à un mois. Pendant cette période, les CAES devront assurer plusieurs missions :

  • Accueil et hébergement : le cahier des charges précise les standards de configuration des locaux, semblables à celle des autres lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, et précise que le CAES doit être situé dans des zones « desservies par les transports en commun » afin notamment de permettre un accès aux GUDA.
  • Domiciliation : les personnes hébergées sont domiciliées de leur arrivée jusqu’à leur réorientation, et la domiciliation doit être maintenue même si le demandeur d’asile orienté depuis une autre région ne se présente pas au CAES.
  • Accompagnement dans les démarches administratives et juridiques : un encadrement d’un équivalent temps plein travaillé (ETP) pour 15 personnes est prévu, soit un ratio similaire aux autres lieux d’hébergement pour demandeur d’asile. Les professionnels du centre informent les hébergés sur toutes les démarches liées à leur situation, assurent la prise de rendez-vous GUDA pour ceux qui n’ont pas encore enregistré leur demande d’asile, accompagnent les demandeurs d’asile dans les démarches nécessaires à l’introduction de leur demandes à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et « le cas échéant, à leur recours ou à leur demande de réexamen » (des missions qui ne sont pourtant pas prévues dans les autres lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile où une simple information sur ces démarches est prévue).
  • Accompagnement sanitaire et social : les professionnels du centre assurent notamment les démarches d’ouverture des droits, informent les hébergés sur le fonctionnement du système de santé et peuvent orienter vers des dispositifs de santé
  • Prise en compte de la vulnérabilité : la possibilité de signaler des situations de vulnérabilité à l’OFII ou à l’OFPRA est rappelée, une mission qui se heurte cependant aux mêmes limites que celles constatées dans l’ensemble des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile (voir notre article de février 2021)
  • Accompagnement à la sortie : les missions d’information reposent sur le centre mais il est précisé que « l’acheminement vers le lieux d’hébergement est pris en charge par l’OFII »
  • Hébergement des demandeurs sous procédure Dublin : une partie spécifique est dédiée à ces situations, précisant les spécificités de cette procédure pouvant mener à une décision d’éloignement vers un autre État européen.

En raison d’un taux de rotation important, nécessitant un accompagnement renforcé et une hausse de certains coûts de fonctionnement, le prix de journée des CAES est fixé à 25 € soit davantage que pour les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (19,5 €) et les hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (17 €).