Le règlement européen dit «Dublin III» prévoit une procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile, qui est menée lors de la présentation du demandeur d’asile en préfecture. L’un des principaux critères de détermination appliqué est celui du pays de première entrée : l’État responsable sera celui par lequel le demandeur a été précédemment identifié, lors d’une arrestation ou d’une demande d’asile par exemple. Une fois l’État responsable déterminé par la préfecture, le demandeur doit être transféré dans cet État. Le plus souvent depuis la France, ce transfert s’effectue vers l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne.

En 2020 d’après l’agence européenne Eurostat, seules 10% des 30 963 requêtes émises par la France envers un autre État européen ont donné lié à un transfert, soit 3 189 retours effectifs. Pour l’immense majorité des demandeurs initialement placés sous procédure Dublin, la France redevient donc finalement responsable de leur demande d’asile, généralement en raison de l’expiration des différents délais de la procédure Dublin (imputables aux autorités françaises ou à celles du pays de destination, ou au demandeur lui-même s’il ne suit pas l’ensemble de la procédure et est donc considéré « en fuite » pendant une période déterminée). À la fin de ces délais, la procédure Dublin est « éteinte » et leur demande d’asile sera requalifiée, soit en procédure normale, soit en procédure accélérée.

Au cours de l’année 2020, 27 981 demandes en procédure Dublin ont été éteintes et requalifiées selon le ministère de l’Intérieur. Une fois requalifiées, ces demandes pourront être instruites par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Auparavant, il est nécessaire d’obtenir un rendez-vous auprès de la préfecture pour enregistrer sa demande d’asile au guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) et se voir remettre un formulaire OFPRA.

Selon les départements, l’obtention de ce rendez-vous n’est pas toujours aisée. Il existe de très grandes divergences de pratiques d’un département à un autre : rôle variable des pôles régionaux Dublin (PRD) dans l’enregistrement de ces requalifications, suivi aléatoire des procédures éteintes par les préfectures demandant une vigilance accrue des travailleurs sociaux, moyens variés de joindre la préfecture (mail, courrier recommandés, demande sur le site de la préfecture), etc.

Ces divergences de pratique compliquent l’accès à la procédure pour les demandeurs d’asile et particulièrement ceux considérés précédemment « en fuite ». Un demandeur d’asile sera considéré « en fuite » s’il a manqué au minimum deux rendez-vous à la préfecture ou s’il a refusé d’être transféré vers un autre pays. Ce placement « en fuite » a pour conséquence principale de rallonger les délais de transfert par les autorités de six mois à dix-huit mois. Ainsi, c’est seulement au bout de ces dix-huit mois que le demandeur (qui n’a pas été transféré) pourra introduire une demande d’asile en France. Une fois placées «en fuite», ces personnes sont exclues des structures d’hébergement et le rôle des structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) à la demande de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Une difficulté se pose parfois, quand les préfectures envoient les convocations aux SPADA qui n’ont aucun moyen de contacter ces personnes.

En outre, selon les préfectures, les délais d’obtention de rendez-vous pour les ex-Dublinés peuvent être particulièrement longs et aléatoires. Ces délais varient entre quelques semaines et quelques mois. Cela s’explique notamment par le nombre réduit de créneaux dédiés à l’enregistrement de ce type de demande. Pendant cette période d’attente, ces demandeurs d’asile ne disposent d’aucune attestation de demande d’asile valide, donnant droit au séjour sur le territoire français et ne peuvent prétendre aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils y sont éligibles. Ces délais prolongent la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent nombre de ces demandeurs. Enfin, ces délais s’ajoutent à ceux de la procédure Dublin et entravent l’accès effectif à la demande d’asile en France. Des pratiques contraires au principe de célérité posé par le règlement Dublin, dont l’objet visant à déterminer l’État responsable ne devrait pas avoir pour effet de poser des obstacles à l’accès à l’asile lorsque ses dispositions ne s’appliquent plus.