Asile : une commission d’enquête parlementaire formule plusieurs recommandations
Dans un rapport d’enquête publié le 10 novembre 2021, des députés proposent une analyse critique des politiques d’asile et d’immigration mises en œuvre par la France. Ce document, issu d’un important travail mêlant consultations et visites de terrain, aborde notamment plusieurs enjeux liés à l’exercice du droit d’asile : politiques européennes d’asile, pays sûrs, accès à la santé, conditions d’accueil des demandeurs d’asile, accès à l’emploi et au logement des réfugiés.
L’Assemblée nationale a créé le 19 mai 2021 une « commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France ». Composée de 30 députés, sous la présidence de Sébastien Nadot (député de Haute-Garonne), cette commission a auditionné de nombreux acteurs institutionnels et associatifs (dont Forum réfugiés-Cosi) pour dresser un tableau des principaux défis et enjeux que rencontre la France dans ce domaine et formuler des recommandations pour améliorer la situation.
Le rapport d’enquête publié le 10 novembre 2021, rédigé par Sonia Krimi (députée de la Manche), comporte notamment plusieurs passages consacrés spécifiquement à l’exercice du droit d’asile.
Les premiers développements portent sur le règlement européen dit « Dublin », qui vise à déterminer l’État européen responsable d’une demande d’asile au regard de plusieurs critères dont les plus utilisés concernent le pays de première entrée. Il est rappelé que ce texte « est presque unanimement décrié pour son inefficacité mais demeure, faute d’accord sur une alternative satisfaisante pour l’ensemble des États ». Les critiques portent sur l’absence de prise en compte des situations personnelles, la charge démesurée que cela fait porter sur les pays aux frontières de l’Union européenne, l’inégalité de traitement que cela entraîne au regard des disparités des différents systèmes d’asile nationaux, et l’inefficacité de sa mise en œuvre. Le rapport rappelle que des propositions visant à modifier ce cadre sont « sur la table depuis 5 ans », une proposition formulée par la Commission européenne en 2016 ayant été abandonnée puis remplacée par d’autres propositions dans le cadre du Pacte sur la migration et l’asile présenté en septembre 2020. Pour les députés, ces nouvelles propositions ne sont pas de nature à surmonter les « positions irréconciliables » de plusieurs États membres. Dans l’attente d’une révision du règlement Dublin, le rapport recommande d’appliquer les pratiques issues de l’accord de La Valette conclu en 2019 entre plusieurs États pour permettre une répartition des personnes sauvées en mer.
Plus généralement, le rapport plaide pour la création d’un « véritable asile européen » avec l’élargissement des compétences attribuées à la nouvelle Agence européenne de l’asile qui devrait avoir « la capacité de se prononcer sur les demandes d’asile ».
La question de l’exercice du droit d’asile aux frontières françaises est également évoquée, le rapport soulignant la persistance de situations de violations du droit d’asile pourtant documentées depuis plusieurs années (voir notre rapport d’avril 2017 à ce sujet).
Concernant la liste des « pays d’origine sûr », le rapport considère qu’elle relève d’une décision politique et non administrative, et qu’elle devrait donc être établie par le parlement dans le cadre d’un débat annuel où plusieurs autres orientations seraient arrêtées.
Dans un chapitre consacré à l’accès aux soins, les auteurs du rapport reviennent sur les nombreux impacts négatifs entraînés par la mise en place depuis début 2020 d’un délai de carence pour l’affiliation des demandeurs d’asile à l’assurance maladie. Ils recommandent de supprimer cette mesure restrictive, qui renforce encore la précarité des demandeurs d’asile. Les conditions d’accueil de ces derniers par ailleurs marquées par un sous dimensionnement du parc d’hébergement dédié, ce qui amène la rapporteure à recommander de « poursuivre l’augmentation du nombre de places d’hébergement et les efforts visant à permettre une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur le territoire ».
Sur l’accès au droit du travail des demandeurs d’asile, largement limité par le cadre légal actuel (une demande d’autorisation de travail ne peut être demandée que si l’OFPRA n’a pas statué dans un délai de 6 mois) les derniers chiffres disponibles sont cités : en 2017, seules 1 248 autorisations de travail ont été déposées et moins de 1 000 demandeurs d’asile ont été autorisés à travailler cette année là. Il est ainsi recommandé d’ « ouvrir la possibilité de travailler aux demandeurs d’asile dès le dépôt de leur demande ».
L’accès au travail des personnes amenées à séjourner durablement, dont les bénéficiaires d’une protection internationale, est également abordé. Il est recommandé de « prévoir un état des lieux approfondi et systématique des compétences et qualifications des étrangers primo-arrivants réalisé par un spécialiste de l’insertion professionnelle ». Les formations linguistiques devraient par ailleurs être plus individualisées et l’accent devrait être mis sur les formations à visée professionnelle. Les réfugiés sont également confrontés à des difficultés d’accès au logement, soulignées dans une partie du rapport. L’objectif de mobilisation de 14 000 logements pour les réfugiés en 2021 ne sera ainsi atteint qu’à 50% cette année, en raison d’une implication insuffisante des collectivités territoriales dans ce domaine. Le rapport recommande également de faire en sortie que « l’offre d’hébergement social soit mieux adaptée [au] profil [des réfugiés] (…) en pensant les capacités de logement en lien avec les opportunités d’emploi sur leurs territoires ».
Photo d'illustration : ©By Richard Ying et Tangui Morlier - Own work, CC BY-SA 3.0