Lors d’une conférence en ligne organisée par Forum réfugiés, Carole André-Dessornes, géopolitologue, a présenté l’Iran, son histoire, la situation des femmes iraniennes, les révolutions que le pays a connues, et les spécificités du régime islamique iranien fondé sur la répression.

 

Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, décède après son arrestation par la police des mœurs iranienne pour « infraction au code vestimentaire ». Suite à cet événement tragique, de nombreuses femmes iraniennes ont exprimé leur révolte en ôtant leur foulard et en les brûlant en pleine rue. Aujourd’hui le régime iranien est en crise et doit faire face à une révolte populaire sans précédent. C’est dans ce contexte que Carole André-Dessornes est intervenue lors d’une visio conférence organisée par Forum réfugiés le 8 juin 2023, dont nous relevons quelques éléments dans cet article.

Le régime actuel de l’Iran, la République islamique, est né après les révolutions contre le Chah de 1978 et 1979. L’Ayatollah Khomeiny instaure un régime théocratique fondé sur une doctrine islamique, donnant tout pouvoir au clergé. Khomeiny met en place un régime ultra répressif, poursuivi par son successeur, Ali Khamenei, l’actuel Guide suprême. Deux corps armés vont naitre de la volonté du Guide suprême : l’armée des Gardiens de la Révolution (les Pasdarans), et les Bassidjis, qui ont pour rôle de surveiller la population, dénoncer les traitres et réprimer les manifestations contre le régime.

Carole André-Dessornes rappelle que le pays est, depuis l’instauration du régime islamique issu de la révolution de 1979, régulièrement secoué par des révoltes populaires : la Révolution verte de 2009, le mouvement « Girls of Enghelab Street » de 2017, les manifestations contre la hausse du coût de la vie en 2019 ou encore les révoltes de l’eau en 2021.

Les femmes iraniennes ont toujours participé aux révolutions. Les Iraniennes subissent beaucoup d’injustices dans la société où le patriarcat est très fort. Elles ne peuvent pas divorcer, ou uniquement selon des conditions très strictes, évaluées par un tribunal composé essentiellement d’hommes. En cas de divorce, la garde de l’enfant revient au père ou au grand-père paternel après ses 7 ans. Elles ne peuvent pas voyager à l’étranger sans l’autorisation de leur mari. Les règles d’héritage sont très défavorables aux femmes. Il y a encore des mariages précoces de filles, surtout dans les campagnes. Les viols restent impunis, personne ne voulant témoigner devant un tribunal islamique, comme cela est requis en cas de plainte.

Les femmes portent des revendications de liberté qui sont reconnues par toute la population. Carole André Dessornes souligne à cet égard que leur mobilisation ne porte pas spécifiquement sur le port du voile, mais est tournée contre le régime et un ennemi commun : l’État théocratique.

La contestation actuelle, qui a débuté en septembre 2022, est considérée comme la plus importante depuis l’instauration de la République islamique. La jeunesse est totalement en opposition au régime. Mais l’opposition est divisée et manque d’une figure qui en prendrait la tête.

Le régime tient. La répression, de plus en plus forte, est, selon Carole André-Dessornes, le seul moyen pour le régime d’assurer sa survie. Un bilan de janvier 2023 faisait état de 500 manifestants tués, de 18 000 arrestations et de 11 condamnations à mort. Les augmentations récentes d’exécutions judiciaires, parfois en place publique, attestent des méthodes du régime pour imposer la peur et étouffer la dissidence.