Dans l’Est de la RDC, après une détérioration continue de la situation sécuritaire et humanitaire dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri depuis novembre 2022, la violence armée s’est intensifiée début 2025.

En grande partie endormi depuis sa dernière attaque majeure dans la région en 2012, le M23, un groupe armé rebelle, a réapparu en novembre 2021 en attaquant les troupes congolaises et réaffirmant ainsi son existence. En décembre 2023, malgré la réélection de Félix Tshisekedi comme président, les conflits et la violence dans le Kivu se sont intensifiés. En juillet 2024, les parties ont convenu d’un cessez-le-feu, mais celui-ci a rapidement échoué.

Un rapport de l’ONG International Crisis Group, publié le 28 janvier 2025, explique l’avancée du M23 au Nord-Kivu : en janvier 2025, appuyé par le Rwanda, il prend Masisi, le centre de l’industrie lucrative de l’extraction de l’or et du coltan de la province, puis Minova, une ville géographiquement stratégique, pour s’emparer ensuite de Sake, de Goma et Bukavu, les capitales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Les Nations unies estiment que 3 000 personnes, pour la plupart des civils, sont mortes pendant l’attaque du M23 à Goma, démontrant le niveau de violence employé. Ses combats ont chassé plus de deux millions de personnes de leurs foyers.

Le Rwanda et le M23 contrôlent désormais la quasi-totalité de la province du Nord-Kivu. Selon un rapport du 26 février 2025 du Centre d’études stratégiques de l’Afrique, il continue d’avancer vers le Sud, où il a pris Kamanyola, sur la route vers la troisième plus grande ville des Kivus, Uvira. Une autre troupe avance aussi vers le nord vers Butembo, depuis Goma.

La situation est particulièrement inquiétante et le risque d’embrasement de la région très présent pour diverses raisons : le M23 avance plus rapidement que les précédentes insurrections dans l’Est du pays pendant la première (1996-1997) et la seconde (1998-2003) guerre du Congo. Il est possible qu’il tente de rejoindre Kinshasa. Le M23 a imposé des structures de gouvernance politiques et administratives dans les régions qu’il contrôle ; il a aussi élargi son contrôle sur des sites d’exploitation minière lucratifs. Ses soldats bénéficient d’une formation militaire et organisationnelle intensive, face à une armée congolaise assez faible. Ses conquêtes sur le champ de bataille, ses communications, ses armements, son renseignement et son équipement montrent un important soutien extérieur à la RDC. Selon une enquête du Conseil de sécurité de l’ONU de juin 2024, le Rwanda et l’Ouganda seraient les principaux soutiens du M23, ce que les deux pays réfutent. Le même rapport suggère que de nombreux membres du M23 sont en fait des soldats de la Rwanda Defense Force (RDF) qui combattent aux côtés du M23 et y sont intégrés. En outre, le M23 dirige aussi aujourd’hui la branche armée de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) qui rassemble des groupes anti-gouvernement, des mouvements armés et des acteurs politiques dans des parties de la RDC autres que dans l’Est. Enfin, la diplomatie régionale et internationale n’a pas su, à ce jour, répondre aux besoins de la situation.

Ces conflits engendrent une détérioration de la situation humanitaire et sécuritaire, avec des centaines de milliers de personnes déplacées dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), c’est l'une des pires crises humanitaires au monde. À proximité des lignes de front, les violences sexuelles et les violations des droits humains se poursuivent, tout comme le pillage et la destruction des habitations civiles et des commerces. 

Depuis fin janvier 2025, les signalements de violations graves contre les enfants ont triplé en un mois (violences sexuelles, enlèvements, meurtres, mutilations…), dans le Kivu. Au moins 2 594 écoles ont été fermées et 1,4 million d’enfants sont sortis du circuit scolaire. L’UNICEF fait état de campagnes de recrutement massives menées par les parties au conflit et visant les jeunes, ce qui accroît considérablement le risque d’enlèvement et d’enrôlement d’enfants.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), 7,8 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, l’un des chiffres de déplacement les plus élevés au monde, sur les 21,2 millions de Congolais affectés par des crises (sur un total de 106 millions d’habitants). Près de 80 000 personnes ont fui les affrontements armés pour se réfugier dans les pays voisins, dont plus de 61 000 sont arrivées au Burundi depuis janvier dernier.

Dans le contexte actuel de détérioration de la situation dans le Kivu, le HCR appelle les États à ne pas renvoyer de force en RDC les personnes originaires de ces zones, tant que la situation sécuritaire et l’état des droits de l'homme ne se sont pas suffisamment améliorés.

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©UNHCR