Parmi les différents textes constituant le Pacte sur la migration et l’asile, adopté définitivement par le Conseil de l’Union européenne le 14 mai 2014, figure un règlement « instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l'Union ». Ce texte remplacera la directive de 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, en apportant plusieurs changements.

 

La réforme profonde du régime d’asile européen commun instaurée par le Pacte sur la migration et l’asile porte sur plusieurs domaines. Le législateur a notamment souhaité modifier les règles procédurales applicables en matière d’asile à travers un nouveau règlement (qui sera d’application directe dans les États membres à l’horizon 2026) qui remplacera l’actuelle directive Procédures de 2013.

Le règlement « instituant une procédure commune en matière de protection internationale » s’appliquera à toutes les demandes d’asile présentées sur le territoire des États membres, y compris à la frontière extérieure, mais pas dans les représentations des États membres. Il s’appliquera également aux apatrides, qui possèdent pour la première fois une définition propre.

Une demande sera considérée comme présentée lorsqu’une personne exprimera à une autorité compétente le souhait de bénéficier d'une protection internationale dans un État membre. En cas de doute, les autorités devront demander expressément si elle souhaite demander une protection. Les autorités ont le devoir de communiquer entre elles si les demandes ne sont pas présentées devant l’autorité compétente. Après la présentation, l’enregistrement devra avoir lieu en 5 jours ouvrables (15 s’il y a beaucoup de demandes), contre 3 et 10 jours actuellement. Les informations recueillies lors du filtrage pourront être utilisées pour l’enregistrement. De plus, si une personne affirme ne pas avoir de nationalité, ce fait sera clairement enregistré. L’introduction aura elle lieu au plus tard 21 jours après l’enregistrement (ou 2 mois en cas de nombreuses demandes). Les États membres pourront organiser l'accès à la procédure de façon à ce que la présentation, l'enregistrement et/ou l'introduction de la demande aient lieu en même temps. Après l’enregistrement et/ou l’introduction, les autorités devront délivrer un document au demandeur permettant l’ouverture des droits (sauf si ce dernier est en rétention ou prison).

Comme dans le droit européen actuel, le règlement liste les situations dans lesquelles les autorités pourront déroger à l’obligation de tenir un entretien (les réexamens étant toujours concernés). L'entretien sur le fond pourra être mené en même temps que l'entretien sur la recevabilité. L’officier chargé de l’entretien devra toujours disposer de compétence pour apprécier les conditions de vie dans le pays d’origine, il pourra être du sexe souhaité par le demandeur et ne devra pas porter d’uniforme d’autorités répressives ou militaires. La présence d'un médiateur culturel pourra désormais être assurée et dans des circonstances dûment justifiées, tandis que l’entretien pourra avoir lieu en vidéoconférence. Les entretiens seront toujours enregistrés par des moyens audio et un rapport détaillé devra être établi. Il sera demandé au demandeur de confirmer que le contenu du rapport ou de la transcription reflète correctement l'entretien. Les motifs de refus seront consignés dans son dossier.

Les autorités compétentes évalueront individuellement si les demandeurs ont besoin de garanties procédurales spéciales, dès que possible après la présentation d'une demande, dans un délai de 30 jours. Les contrôles sanitaires et de vulnérabilité du règlement « filtrage » pourront être pris en compte. Si des demandeurs ont été identifiés comme nécessitant des garanties d’accueil ou procédurales spéciales, ils devront recevoir le soutien nécessaire (pas de procédure à la frontière ou accélérée par exemple). Les demandeurs, en général, auront aussi droit à des avis juridiques gratuits pour l'introduction de la demande individuelle, ainsi qu’à une assistance juridique et une représentation juridique à toutes les étapes de la procédure (pas nécessairement gratuite), ainsi qu’à des services d’interprétariat. Ils se verront également donner la possibilité de confirmer qu'ils ont reçu les informations nécessaires.

Pendant la procédure administrative, les demandeurs auront le droit de rester sur le territoire de l’État membre examinant la demande jusqu’à la décision, avec cependant des exceptions (pour les réexamens par exemple). Ils devront rester à la disposition des autorités et coopérer.

En règle générale, l’examen de la recevabilité ne pourra durer plus de 2 mois (prorogeable une fois) et celui sur le fond plus de 6 mois (aussi prorogeable une fois). Les États membres fixeront des délais – plus courts que ceux évoqués précédemment - pour la conclusion de la procédure d'examen dans les cas où une juridiction annule la décision prise et renvoie l'affaire au niveau administratif.

Si une demande est rejetée, ou retirée, les États membres rendront une décision de retour qui respecte la directive 2008/115 et qui est conforme au principe de non-refoulement. La décision de retour sera rendue dans le cadre de la décision de rejet de la demande de protection internationale ou dans un acte distinct. Si la décision de retour est rendue par acte distinct, elle sera rendue au même moment que la décision rejetant la demande et conjointement avec celle-ci, ou rapidement après celle-ci.

La notion de « pays tiers sûr », qui permet de considérer une demande irrecevable sans examen au fond pour les demandeurs qui auraient séjourné dans un tel pays avant de rejoindre l’Europe, fait l’objet d’une définition moins exigeante qui pourrait permettre une application élargie par les États membres. Le règlement permet l’établissement d’une liste commune de l’Union européenne (UE) de « pays tiers sûrs ». La désignation d'un pays tiers comme pays tiers sûr, tant au niveau de l'UE qu'au niveau national, pourra comporter des exceptions pour des parties spécifiques de son territoire ou des catégories de personnes clairement identifiables. Les États membres notifieront à la Commission et à l'agence de l’UE pour l’asile (EUAA) les pays tiers qui sont désignés comme tel au niveau national.

En ce qui concerne les recours, les décisions de retour feront l'objet d'un recours conjoint avec la décision connexe, devant la même juridiction, dans le cadre de la même procédure juridictionnelle et dans les mêmes délais. Si une décision de retour est prise en tant qu'acte distinct, en revanche, elle pourra faire l'objet d'un recours dans le cadre d'une procédure juridictionnelle distincte. Les personnes reconnues comme bénéficiaire de la protection subsidiaire bénéficieront du droit à un recours effectif contre une décision considérant leur demande comme infondée quant au statut de réfugié. Les États membres fixeront les délais d’introduction et d’examen des recours. Le règlement donne des minimums et des maximums à respecter, avec notamment un délai compris entre 15 jours et 1 mois pour la plupart des situations. Les demandeurs auront le droit de rester sur le territoire de l’État membre jusqu'à l'expiration du délai dans lequel ils pourront exercer leur droit à un recours devant une juridiction de première instance et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. Cette disposition est néanmoins très restreinte par de nombreuses exceptions. Le règlement prévoit toutefois une procédure pour demander à rester dans le cadre d’un recours.  

Les principales nouveautés se trouvent dans la procédure d’examen accélérée et celle d’asile à la frontière. En effet, en plus des cas actuels de procédures accélérés, s’ajoute le suivant : le demandeur est ressortissant ou, dans le cas des apatrides, est un ancien résident habituel, d'un pays tiers pour lequel le taux de protection de ses ressortissants est, selon les dernières données disponibles d'Eurostat concernant la moyenne annuelle à l'échelle de l'UE, de 20 % ou moins, avec cependant quelques exceptions. La procédure accélérée ne devra pas durer plus de 3 mois à compter de la date d’introduction de la demande.

La procédure d’asile à la frontière aura elle lieu après le filtrage sous certaines conditions, mais sera parfois obligatoire. Cette dernière sera obligatoire si les personnes sont considérées comme étant un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public, ont induit les autorités en erreur ou sont ressortissantes d’un pays tiers dont le taux de protection des ressortissants est inférieur à 20%. La procédure à la frontière ne s'appliquera aux mineurs non accompagnés qu’en cas de craintes pour la sécurité nationale ou l'ordre public. Les demandeurs soumis à cette procédure ne seront pas autorisés à entrer sur le territoire (fiction de non-entrée) et pourront être retenus. Chaque État membre devra donc prévoir un mécanisme de contrôle des droits fondamentaux dans le cadre de cette procédure. Les États membres devront aussi prendre les mesures appropriées pour maintenir autant que possible l'unité de la famille et répondre à leurs besoins. De plus, le règlement introduit le concept de capacité adéquate pour mener ces procédures à la frontière, en prévoyant un calcul prenant en compte le nombre d’entrées. Au niveau de l’UE, la capacité adéquate sera de 30 000 places. La Commission fixera, au moyen d’actes d’exécution, le nombre de demandes qu'un État membre est tenu d'examiner chaque année dans le cadre de la procédure à la frontière en fonction de la capacité adéquate de cet État membre. Ce nombre augmentera graduellement les années suivant l’application du règlement. Lorsque la capacité adéquate sera atteinte, les États membres pourront renvoyer vers une procédure ordinaire certains demandeurs (ceux concernés par la règle des 20%) et prioriser certaines demandes (ceux ayant une plus grande perspective de retour par exemple). Lorsque le nombre de demandes à examiner à la frontière (nombre maximal) sera atteint, seront renvoyés vers une procédure ordinaire les demandeurs affectés par la règle des 20% et ceux considérés comme ayant intentionnellement induit les autorités en erreur. Les demandes soumises à une procédure à la frontière seront introduites au plus tard 5 jours à compter du premier enregistrement. La procédure à la frontière devra être d'une durée aussi courte que possible, sans dépasser 12 semaines à compter de l’enregistrement (4 semaines maximum dans la directive actuelle). À l'issue de cette période, le demandeur sera autorisé à entrer sur le territoire de l’État membre. Les États membres fixeront les délais concernant les recours, mais la durée fixée devra garantir que toutes ces étapes procédurales seront achevées dans un délai de 12 semaines à compter de l'enregistrement de la demande.

Le règlement a obtenu l’approbation du Conseil le 14 mai 2024, comme l’ensemble du Pacte sur la migration et l’asile. Il doit désormais être publié au Journal officiel de l’UE et d’entrer en vigueur 20 jours après. Cependant, il ne sera pas applicable avant une période de 2 ans. Les demandes de protection introduites avant la date d’application seront régies par l’ancienne directive, ainsi que les procédures de retrait engagées avant cette date.