Mi-septembre 2024, la présidente de la Commission européenne a proposé l’Autrichien Magnus Brunner pour être le futur commissaire européen aux affaires intérieures, malgré son manque d’expérience en matière de migration. La proposition s’est accompagnée d’une lettre de mission concise, mais plusieurs sujets majeurs devraient alimenter l’agenda de la Commission dans le domaine de l’asile ces prochaines années.

Le 17 septembre 2024, après les désignations de candidats par les États membres, la présidente de la Commission européenne réélue, Ursula von der Leyen, a présenté sa proposition de collège de commissaires (un par État membre) pour la période 2024-2029.

Pour le portefeuille des affaires intérieures et de la migration, actuellement en possession de la suédoise Ylva Johansson, son choix s’est porté sur l’autrichien Magnus Brunner, du groupe du Parti populaire européen, comme elle. Il est l’actuel ministre fédéral des finances de l’Autriche. Auparavant, il a occupé le poste de secrétaire d’État au ministère fédéral des transports, de l’innovation et de la technologie. Il a également été directeur de la Fédération économique autrichienne, responsable du développement corporatif et de la communication d’une entreprise énergétique autrichienne et membre du conseil d’administration d’une autre entreprise énergétique autrichienne. Il n’a jamais travaillé sur des questions migratoires et ses positions sur le sujet sont inconnues, ce qui laisse de nombreux eurodéputés perplexes.

Le gouvernement autrichien actuel est connu pour avoir affirmé sa volonté d’externaliser les procédures d’asile en Afrique et pour le contrôle de ses frontières dans le but de limiter l’immigration. Bien que les commissaires représentent l’Union européenne et non l’État membre d’origine, ceci pourrait jouer en sa défaveur auprès du Parlement européen, en charge d’approuver les commissaires.

La lettre de mission pour le commissaire aux affaires intérieures et à la migration indique notamment que ce dernier devra « faire preuve de fermeté et d’équité en matière de migration », et qu’il devra collaborer avec la commissaire pour la Méditerranée, qui est un nouveau poste.

Dubravka Šuica, qui est croate, est la candidate pour le portefeuille de la Méditerranée. Elle a été la maire de Dubrovnik, députée, vice-présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, eurodéputée, vice-présidente du Parti populaire européen, et vice-présidente de la Commission européenne pour la démocratie et la démographie. Par ailleurs, en 2019, plusieurs médias ont indiqué que sa fortune était d’origine inexplicable, mais cela ne l’a pas empêché d’être nommée vice-présidente.

Sa lettre de mission indique ainsi qu’elle doit « assurer des partenariats complets pour opérationnaliser les aspects externes de la politique migratoire, notamment en ce qui concerne les contrôles aux frontières et la lutte contre les passeurs », en lien avec le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la sécurité (qui pourrait être l’estonienne Kaja Kallas), ainsi que la création d’un « Pacte pour la Méditerranée », qui devrait comporter des éléments de politique migratoire et d’asile.  

Les lettres de mission sont assez vagues et générales, alors que plusieurs enjeux précis devraient être abordés ces prochaines années.

Concernant les frontières, la Commission devrait davantage faciliter l’échange d’informations sur les protocoles nationaux de recherche et de sauvetage dans le groupe de contact récemment réactivé, coordonner et développer de bonnes pratiques dans le but d’éviter des décès, ainsi que surveiller les activités de Frontex. Qui plus est, la Commission devrait veiller à ce que la lutte contre la criminalité organisée autour des itinéraires de migration et la traite d’êtres humains ne se fasse pas au détriment des exilés et des organisations non-gouvernementales qui apportent une aide humanitaire (voir notre article sur la proposition de directive de lutte contre le trafic).

Pour la correcte mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile, la Commission devrait, si nécessaire, entamer des recours en manquement contre un ou des États, allant jusqu’aux sanctions financières, si besoin. Elle devrait aussi mettre en garde les États sur les conséquences de la rétention de masse des demandeurs d’asile aux frontières et encourager les relocalisations dans le cadre du mécanisme de solidarité, ainsi qu’être particulièrement stricte sur les conditions de dérogation aux normes du régime européen commun pour cause de « crise » ou d’« instrumentalisation » (voir nos articles sur les différents textes du Pacte adopté et notre note de plaidoyer publiée au moment des négociations).

« Assurer des voies légales réelles et viables » éviterait les entrées irrégulières et dangereuses, comme prévu dans la lettre de mission pour les affaires intérieures. La Commission devrait promotionner l’augmentation des engagements en termes de réinstallation et de voies complémentaires, sur le long terme, pour plus de prévisibilité; cela en veillant à compléter, et ne pas remplacer, le système d’asile commun, et en ne passant pas sous silence le besoin de protection des bénéficiaires de voies complémentaires liées au travail et aux études.

Sur les fonds européens, la Commission devrait se positionner pour un financement important des voies légales et des programmes d’inclusion des réfugiés, ce qui inclut les services de santé, l’éducation et l’intégration sur le marché du travail, sans oublier l’accès au logement. Elle ne devrait pas hésiter à utiliser ses pouvoirs de contrôle budgétaire vis-à-vis des États membres. De surcroît, les documents publics devraient être multipliés afin de garantir la transparence.

De manière transversale, la consultation des organisations de la société civile devrait être généralisée, les coopérations avec les pays tiers ne respectant pas les droits humains et valeurs européennes devraient cesser et une stratégie relative à l’apatridie élaborée.

 

Les candidats devront désormais répondre par écrit aux questions du Parlement européen. Ces réponses seront publiées sur le site du Parlement. Chaque candidat sera ensuite invité à comparaître devant la ou les commissions compétentes pour une audition de confirmation, de plusieurs heures, et retransmise en direct (pas de dates au moment de l’écriture de cet article). Il sera nécessaire de recueillir une majorité d’au moins deux tiers des députés de la commission appartenant à un groupe politique pour approuver le candidat. Il y aura enfin un vote en session plénière permettant d’élire ou de rejeter la Commission dans son ensemble, à la majorité des suffrages exprimés.

Il est probable que le Parlement impose des changements dans les noms des commissaires, comme en 2019.