Après le déploiement d’un schéma national d’accueil pour les demandeurs d’asile depuis 2021, le gouvernement a mis en place au printemps 2023 des « SAS d’accueil » régionaux. Ces deux dispositifs, qui visent à orienter des personnes vivant à la rue en Ile-de-France, vers d’autres régions françaises, contribuent à améliorer la situation en région parisienne mais posent plusieurs difficultés dans les territoires d’arrivée. 

 

Face au constat d’une trop grande concentration des demandeurs d’asile (et pas suite des personnes obtenant une protection au titre de l’asile) en Île-de-France, le ministère de l’Intérieur a publié fin 2020 un « schéma national d’accueil » pour la période 2021-2023 (voir notre article de juin 2022). L’un des objectifs principaux est de « rééquilibrer l’accueil des demandeurs d’asile sur le territoire » en orientant des demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France vers les autres régions du territoire. Dès leur passage au sein d’un guichet unique pour demandeur d’asile (GUDA) francilien, les demandeurs d’asile peuvent ainsi être orientés vers un centre d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) – un parc d’hébergement de 5 122  places fin 2022 - avant que ne soit trouvée une autre place du DNA dans la région.

Entre 2021 et 2022, les données disponibles font apparaitre que 48 230 personnes se sont vu proposer une orientation depuis les GUDA franciliens vers des CAES dans d’autres régions, et 30 402 personnes effectivement accueillies dans ces régions d’orientation (les autres ayant refusé l’orientation ou ne se sont pas présenté au lieu d’hébergement, ce qui entraîne un retrait des conditions matérielles d’accueil), ramenant la part des demandeurs d’asile résidant en Île-de-France de 50% à 36%.

Fin 2022, un autre dispositif d’orientation depuis l’Île-de-France a été mis en place parallèlement. Dans une lettre de mission adressée au préfet Michel Lalande le 23 décembre 2022, la Première ministre indique avoir demandé aux ministres de l’Intérieur et du Logement de lui proposer une « stratégie de desserrement pouvant être mise en œuvre dans les meilleurs délais », et confie au préfet la mission de « faciliter la construction opérationnelle de cette stratégie ». Après une consultation impliquant notamment des acteurs associatifs, les premiers appels à projet ont été publiés dès la fin du mois de février 2023 par les préfectures pour créer un nouveau type de dispositif : les « SAS régionaux ». 

On apprend à la lecture du cahier des charges figurant dans les appels à projet que ces dispositifs, cofinancés par les budgets de l’hébergement d’urgence de droit commun et de l’asile, sont « destinés à permettre une évaluation administrative des personnes mises à l’abri en vue de leur orientation vers le dispositif d’hébergement de droit commun ». L’accueil et l’hébergement sont prévus pour une « durée cible de trois semaines » pendant laquelle l’évaluation des situations administratives est assurée par l’État afin de proposer systématiquement une proposition d’orientation « vers le dispositif approprié ». Il est prévu de créer 10 sas régionaux de 50 places, dans 10 régions (hors Île-de-France, Hauts-de-France et Corse), afin de disposer de solutions d’orientation suite aux opérations de démantèlement de campements notamment à Paris. Les premiers centres ont été créés en avril 2023 et ont accueilli rapidement les premières personnes évacuées de campements parisiens. Au cours des six premiers mois d’activité, les médias rapportent que 1 600 personnes ont été orientées vers ces SAS, mais 20% d’entre eux en sont parti sans avoir fait l’objet d’un transfert vers une solution durable correspondant à leur situation administrative.  

Les CAES et les SAS régionaux ont pour point commun de constituer des lieux permettant un accueil immédiat suite à une orientation depuis l’Ile-de-France. On distingue cependant quelques différences, portant notamment sur le public concerné : le schéma national d’accueil (et l’orientation à ce titre vers les CAES) ne concerne que les demandeurs d’asile, tandis que les SAS permettent une orientation de toute personne sans solution d’hébergement en Ile-de-France. Dans les faits, de nombreuses personnes étrangères dont des demandeurs d’asile, sont aussi orientées vers les SAS. La durée de séjour dans ces centres varie également, fixée à 1 mois pour les CAES et 3 semaines dans les SAS, avant réorientation vers un autre dispositif.

S’ils permettent de désengorger l’Ile-de-France, ces dispositifs produisent un même effet négatif dans les régions d’orientation : ils renforcent la saturation des places au niveau local (départemental et régional) et diminuent ainsi les possibilités d’orientation vers l’hébergement à cette échelle. L’analyse des données concernant les CAES, produite par Forum réfugiés dans son rapport annuel 2023, démontre ainsi qu’ un demandeur d’asile a plus de chances d’être hébergé s’il poursuit son parcours jusqu’à la région Île-de-France qu’en enregistrant sa demande dans l’une des métropoles qu’il traverse en arrivant en France. Afin de compléter les dispositifs de déconcentration de l’Île-de-France, il parait ainsi nécessaire d’améliorer l’accueil sur l’ensemble du territoire et de déployer des dispositifs de transit et d’orientation depuis les grandes villes françaises.