Intégration : le programme AGIR poursuit son déploiement, marqué par quelques difficultés
Le nouveau programme d’intégration AGIR, lancé en 2022, était implanté dans 50 départements à la fin de l’année 2023. S’il est encore trop tôt pour évaluer les résultats en matière d’accès à l’emploi ou au logement, ce déploiement, qui doit se poursuivre en 2024, a fait apparaitre quelques difficultés qu’une instruction ministérielle cherche à corriger.
Le programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) lancé en 2022 (voir notre article de juin 2023), qui vise à favoriser l’insertion des bénéficiaires de la protection internationale en matière d’accès à l’emploi, à la formation et au logement a poursuivi son déploiement en 2023.
En août 2023, « plus de 8 300 réfugiés » étaient accompagnés au sein de 40 programmes AGIR d’après une annexe au projet de loi de finances 2024. Fin 2023, le ministère de l’Intérieur indique qu’AGIR était implanté dans 50 départements (26 fin 2022) et 15 165 personnes y ont été orientés dans un délai moyen de 10 jours. À cette date, 60 départements avaient notifié leurs marchés publics avec des opérateurs (26 en 2022, 26 en 2023 et 8 en 2023 en avance de phase pour 2024) et le ministère de l’Intérieur indique que la généralisation à l’ensemble du territoire métropolitain sera effective fin 2024 comme prévu grâce au déploiement dans les 34 derniers départements.
Une étude du ministère de l’Intérieur permet de renseigner les profils des personnes entrées dans le programme AGIR. On y apprend que 2 réfugiés sur 3 sont des hommes (64%) et que les personnes qui intègrent le programme ont en moyenne 32 ans (81% ont moins de 40 ans). Les principaux pays d’origine des entrants sont l’Afghanistan (30%), la Turquie (6%) et la Guinée (5%). Sur le plan professionnel, 80% des bénéficiaires sont sans emploi ni formation à leur entrée et 39% sont hébergés au sein du dispositif national d’accueil (17% occupent un logement pérenne) avec d’importantes disparités selon les territoires.
La montée en puissance du dispositif s’est accompagnée d’un financement conséquent voté en loi de finances (75,5 millions en crédits de paiement), qui n’a été que partiellement exécuté (56,5 millions d’euros fin 2023). D’après la Cour des comptes, ce très faible niveau de consommation se justifierait par deux facteurs principaux : d’une part, les modalités d’exécution financières des marchés Agir, et d’autre part le retard observé dans les circuits de facturation et de paiement, dans certains départements. Cette « lente et difficile exécution du programme » amène la Cour à s’interroger sur « les possibilités futures de son déploiement ». Une enveloppe supplémentaire de 44,5 millions d’euros est prévue pour l’année 2024 d’après la loi de finances. Il est prévu de mobiliser un budget de 630 millions d’euros pour ce programme sur la période 2023-2027 (dont 90 % à la charge du ministère de l’Intérieur et 10 % à la charge du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires), avec pour objectif d’accompagner près de 40 000 BPI chaque année.
Un rapport parlementaire publié en novembre 2023 faisait état d’une « implication satisfaisante des acteurs concernés (structures du DNA, organismes de formation, CPAM etc.), qui se traduit notamment par la signature de multiples convention » tout en notant que « des marges de progrès subsistent (…) s’agissant de la coordination avec les dispositifs d’accompagnement locaux antérieurs ». Sur certains territoires, on note par ailleurs une difficulté dans l’articulation entre l’accompagnement en SPADA et l’entrée dans le programme AGIR pour ceux qui y sont éligibles. La principale difficulté demeure les délais d’accès, plusieurs mois pouvant s’écouler entre la date de notification de la protection et l’entrée effective dans AGIR. L’accompagnement de ce public par les SPADA étant désormais résiduel au regard des prestations financées, ces BPI se retrouvent sans ressources et sursollicitent les SPADA car ils n’ont pas d’autres interlocuteurs. Auditionnés dans le cadre de travaux parlementaires, certains acteurs associatifs ont regretté un délai très court séparant la notification du marché du début de son exécution, la montée en puissance très progressive du nombre de bénéficiaires suivis, une généralisation trop précoce, des difficultés rencontrées dans certaines régions pour alimenter la file active des bénéficiaires ou encore la sélection de certains opérateurs dont la culture est éloignée du travail social.
En mars 2024, le ministère de l’Intérieur a listé plusieurs mesures à destination des préfets afin de consolider la mise en œuvre des programmes AGIR déjà existants et de généraliser le programme là où il doit être déployé : une gouvernance territoriale resserrée, une évaluation et un partage des bonnes pratiques relatives à la mise en œuvre de la prestation de coordination des acteurs locaux de l’intégration, une bonne remontée des indicateurs de suivi nationaux, une valorisation des réussites du programme, une passation et une exécution des marchés AGIR de manière sécurisée, une structuration de la politique d’intégration dans les départements avec notamment une articulation du programme AGIR avec les programmes existants et une montée en charge efficace du programme.
Concernant les résultats du programme AGIR, un indicateur portant sur le « taux de sortie positive en logement pérenne et en emploi ou en formation des bénéficiaires de la protection internationale » au terme des 24 mois (max.) d’accompagnement du programme a été introduit dans les documents accompagnant la loi de finances à partir de 2023. Dans les deux cas, la cible a été fixée à 60 % de 2023 à 2025. En 2023, la réalisation s’est élevée à 30 % pour la sortie en logement pérenne, et à 18 % pour l’accès à l’emploi ou à la formation. La durée pour l’instant limitée de l’accompagnement, au regard du calendrier de déploiement, a été notée pour relativiser ces résultats : fin décembre 2023, seuls 3 % des réfugiés avaient été accompagnés depuis 12 mois minimum. À cette date, 172 personnes ont accédé à un logement pérenne et 101 personnes à un emploi pérenne ou une formation qualifiante ou certifiante.