Budget 2025 : les suppressions de places pour demandeurs d’asile en suspens
Malgré la censure en décembre 2024 du gouvernement ayant proposé une diminution du parc d’hébergement pour demandeurs d’asile dans le projet de loi de finances présenté en octobre 2024, cette orientation politique a continué à être portée par l’administration. Elle pourrait cependant être revue dans le cadre d’un nouveau budget 2025 amendé par les parlementaires.
Le projet de loi de finances présenté en Conseil des ministres le 10 octobre 2024 prévoyait la suppression de 6 429 places en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA), à laquelle s’ajoute la fin du financement de 2 895 places prévues en 2024 mais non ouvertes, ou de places non-reconstituées en 2024, ce qui revient à diminuer de 9 324 places la capacité du dispositif national d’accueil pour les demandeurs d’asile (soit près de 9% de la capacité totale). L’économie recherchée est d’environ 69 millions d’euros (dont 45 millions d’euros constitués par la suppression des places).
Par la suite, le ministère de l’Intérieur a publié une circulaire le 13 novembre 2024 relative à la « programmation budgétaire 2025 du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés ». Cette dernière demande aux préfet la mise en place de plans régionaux d’économie, avec des objectifs d’économie pour chaque région. En conséquence, l’ensemble des opérateurs du DNA ont ainsi été sollicités par leurs autorités de tutelles pour échanger sur la perspective de suppression de places et identifier les dispositifs qui pourraient être concernés.
Malgré la censure du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024, rendant caduc le projet de loi de finances 2025 présenté en octobre, les autorités ont semblé poursuivre le processus de suppression de places - qui n’a cependant pas été mené à son terme.
Afin que l’État dispose d’un budget pour 2025, une loi spéciale a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2025. Elle est complétée par un décret du 30 décembre qui, dans son annexe, reconduit les budgets de la loi de finances initiale 2024 pour chaque mission dont « Immigration Asile Intégration » avec les mêmes montants. Ces derniers permettent non seulement de financer le parc d’hébergement actuel, mais des crédits votés pour 2024 visaient aussi à augmenter la capacité du dispositif national d’accueil de 1 000 places supplémentaire.
À ce jour, le ministère de l’Intérieur (et par suite les préfectures et autres services) ont donc à leur disposition le même budget qu’en 2024 et ils ne sont donc tenus par aucune obligation d’économie et donc de fermeture de places.
Mais cette situation pourrait n’être que provisoire. Le nouveau gouvernement nommé le 23 décembre 2024 mène des négociations avec les groupes parlementaires afin de constituer une majorité pour l’adoption d’un nouveau budget 2025. Le processus législatif a cependant repris au Sénat, le 15 janvier 2025, sur la base du texte présenté en octobre 2024 par le précédent gouvernement et au niveau où les débats s’étaient arrêtés en décembre dernier. Les crédits de la mission « immigration, asile, intégration », avaient notamment déjà été examinés. La base de discussion reste donc identique, et les marges de manœuvre limitées mais pas nulles : des amendements pourront ainsi être adoptés pour modifier la répartition des crédits.
Au regard de la situation de l’accueil des demandeurs d’asile en France, il semble indispensable de revenir sur la suppression de places proposée par le précédent gouvernement.
Le nombre de demandeurs d’asile privés de toute condition matérielle d’accueil continue de s’accroitre par rapport à la situation documentée fin 2023 : : à la fin du mois de juillet, 93 206 demandeurs d’asile touchaient l’ADA sur un total de 137 620 demandeurs en instance (32% des demandeurs en étant donc privé). Si l’on restreint l’analyse aux seuls demandeurs éligibles aux conditions matérielles d’accueil, la part des personnes hébergées progresse tout en restant à un niveau relativement bas : les documents budgétaires publiés avec le projet de loi de finances d’octobre 2024 indiquent que « depuis le début de l’année 2024, le taux d’hébergement s’élève à en moyenne 64,8 % contre 61 % en 2023 et 58 % en 2022 ».
Le maintien d’un programme d’économies à travers des suppressions de places (qui pourraient être plus nombreuses que prévues initialement car l’économie devra être réalisée sur une année déjà entamée) constituerait donc un affaiblissement de notre système d’asile, dont l’accueil est l’une des composantes essentielles pour identifier au mieux les besoins de protection, et aurait pour conséquence d’accroitre le désordre en plaçant davantage de demandeurs dans une situation de précarité. Cette insuffisance de places d’accueil reporterait par ailleurs les besoins d’accompagnement sur les structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) et alimenterait les campements informels, plaçant les collectivités locales en première ligne dans la gestion de ces situations et aggravant la saturation du dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun.
Des obstacles juridiques pourraient par ailleurs freiner de telles orientations politiques, les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile faisant l’objet de conventionnement avec des hypothèses limitées permettant d’interrompre l’activité avant le terme de l’engagement. Le parc d’hébergement actuel doit par ailleurs être a minima maintenu pour une bonne mise en œuvre du schéma national d’accueil : un arrêté du 9 janvier 2025 dans ce domaine indique ainsi que « le nombre de places d'hébergement et leur répartition, fixés pour les années 2022 et 2023 (…), sont reconduits pour une durée de deux ans ».