L’augmentation ces dernières années du niveau de la demande d’asile et, par conséquent, du nombre de personnes protégées, n’a pas été accompagnée dans un premier temps par une évolution des politiques d’intégration. Un tournant a été amorcé en 2018 par la mise en place d’orientations fortes en la matière et la mobilisation de moyens financiers importants, qui ne s’adressent cependant qu’aux personnes bénéficiant d’une protection et n’aborde pas les enjeux liés à la phase de demande d’asile. C’est ce que souligne le rapport parlementaire relatif à l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile et des réfugiés.

A la différence des réfugiés statutaires et des autres étrangers non communautaires, les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un titre de séjour définitif mais d’un droit temporaire au maintien sur le territoire. Par conséquent, l’accès au travail et à la formation des demandeurs d’asile s’inscrit dans un cadre juridique plus restreint.

S’agissant de la formation linguistique, le rapport souligne qu’une part importante des 250 millions d’euros dédiés à l’intégration des réfugiés a été consacrée à l’augmentation du nombre d’heures de français dispensées dans le cadre du Contrat d’intégration républicaine (CIR). Si cette avancée est bienvenue, elle ne bénéficie pas aux demandeurs d’asile, le CIR étant réservé aux réfugiés statutaires.

Conformément à ce que prévoyait la stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés, des cours de français ont été expérimentés au profit de demandeurs d’asile inscrits dans le cadre de programmes spécifiques (réinstallation, visa). Les résultats dévoilés par le rapport sont cependant assez limités. En 2019, seulement 73 demandeurs d’asile ont bénéficié de cette mesure.

Conscients de l’enjeu que représente la maîtrise de la langue française dans l’intégration des étrangers, les rapporteurs recommandent conjointement de favoriser un accès anticipé aux cours de français, même en dehors de tout programme spécifique (voir en ce sens la recommandation n°9).

S’agissant de l’emploi, les demandeurs d’asile ne sont pas autorisés à travailler avant l’obtention définitive d’une protection internationale. Toutefois, lorsque l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) n’a pas statué dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande d’asile, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, le droit lui reconnait la possibilité de solliciter une autorisation d’activité salariée.

S’il est garanti par les textes, l’accès au marché du travail est très réduit dans les faits en dépit de certains assouplissements. En effet, depuis le 1er mars 2019, le délai pour solliciter une autorisation de travail a été ramené de neuf à six mois. Toutefois, le manque de données fournies par l’administration pour cette période n’a pas permis d’évaluer les incidences de cette réforme. Les seules données disponibles, datées de 2017, font état quant à elles d’un accès à l’emploi limité par une procédure administrative très contraignante.

D’abord, au délai de six mois laissé à l’OFPRA s’ajoute celui de deux mois reconnu à l’administration pour l’instruction de la demande d’autorisation de travail. Ensuite, cette autorisation ne peut être délivrée que pour l’exercice d’emplois dits « en tension », dont la liste n’a pas été actualisée depuis 2008. Enfin, l’employeur doit s’acquitter d’une taxe spécifique, susceptible de constituer un frein à l’embauche.  

Il en résulte que pour l’année 2017, 1 248 demandes d’autorisation de travail ont été formulées pour 100 755 demandeurs d’asile. Parmi elles, 997 ont été satisfaites : moins de 1% des demandeurs d’asile ont ainsi accédé à l’emploi cette année-là.  

Si les deux rapporteurs s’accordent sur la nécessité de simplifier les procédures d’autorisation de travail des demandeurs d’asile (voir en ce sens la recommandation n°3), leurs avis divergent s’agissant d’autoriser l’accès au marché du travail de certains demandeurs d’asile dès l’introduction de leur demande d’asile.

La recommandation n°5 formulée à titre individuel par Mme Stella Dupont préconise un accès à l’emploi dès le début de la procédure « soit à l’ensemble des demandeurs d’asile soit, plus probablement aux demandeurs d’asile ne provenant pas d’un pays d’origine sûr ou à défaut, aux demandeurs issus de pays présentant un taux d’admission élevé ».

S’appuyant sur plusieurs études allemandes et recommandations formulées par différentes institutions (voir sur ce plan la position du Défenseur des droits en 2016 et en 2018), Mme Stella Dupont rappelle l’impact positif d’un accès anticipé au marché du travail : il permet une insertion plus rapide des demandeurs d’asile dans une démarche d’intégration socio-professionnelle, favorise sa dynamique, évite l’ « oisiveté » et réduit par conséquent le coût des dépenses publiques.

 

Photo d'illustration : © UNHCR / Benjamin Loyseau