Le ministre de l’Intérieur a présenté ce 1er février en Conseil des ministres un projet de loi sur l’asile et l’immigration, qui propose plusieurs évolutions notables. Sur les volets « asile » et « éloignement », le texte affaiblit des garanties procédurales essentielles.

 

Concernant le droit d’asile, il est prévu de créer des pôles « France asile » associant aux services actuels des guichets uniques (préfecture et Office français de l’immigration et de l’intégration - OFII) des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui enregistreront les demandes d’asile.

Ce nouveau dispositif suscite de nombreuses questions, dont les réponses ne seront en réalité connues qu’après adoption des dispositions réglementaires. Pour Forum réfugiés, il importe de maintenir un délai suffisant – trois semaines actuellement – entre le simple enregistrement de la demande d’asile et la transmission du récit exprimant les craintes fondant la demande de protection et instruit par l’OFPRA en prévision de l’entretien.

S’il s’agit de réduire des délais, les gisements d’amélioration sont ailleurs : dans les délais de décision – où des progrès très importants sont déjà constatés à l’OFPRA, dans les délais de délivrance des actes d’état civil par l’OFPRA – où des progrès importants restent à réaliser, dans les délais de délivrance des titres de séjour, ce qui suppose d’ajouter des ressources humaines dans les services concernés en sus des processus dématérialisés.

La généralisation du juge unique à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) viendra affecter la qualité de la procédure. En effet, la collégialité, qui est la règle aujourd’hui, garantit une meilleure prise en compte des craintes en cas de retour à travers la confrontation et la complémentarité des points de vue, dans un domaine où les conséquences d’une décision de rejet peuvent être vitales pour les requérants.

En revanche, la création de « chambres territoriales » de la CNDA apporterait aux demandeurs d’asile un gain de temps et des facilités de déplacement.

L’amélioration de notre système d’asile repose plus globalement sur des mesures qui relèvent principalement d’ajustements réglementaires et budgétaires, notamment la suppression du délai de carence pour l’accès à l’assurance maladie et l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

En matière d’accès au travail des demandeurs d’asile, les mesures annoncées instaurent une distinction par nationalité, laquelle méconnaît la dimension individuelle de l’asile. D’autres dispositions pourraient en revanche favoriser l’accès au travail pendant la phase de demande d’asile, mais aussi une fois la protection obtenue.

En matière d’éloignement, Forum réfugiés salue l’avancée que représentera, mais à compter du 1er janvier 2025 seulement, l’interdiction du placement en centre de rétention administrative (CRA) des familles avec enfants de moins de 16 ans – encore faut-il rappeler qu’on est mineur jusqu’à l’âge de 18 ans. La privation de liberté des mineurs demeurerait possible dans les locaux de rétention administrative (LRA), à Mayotte (3 135 mineurs retenus contre 76 en métropole en 2021) et en zone d’attente, où la législation actuelle permet même d’enfermer des mineurs non accompagnés.

Forum réfugiés s’oppose à la réorganisation du contentieux des étrangers selon les modalités annoncées, lesquelles réduiraient certains délais de recours. Enfin, le recours possible à la vidéo-audience auprès du juge administratif et du juge judiciaire en rétention et en zone d’attente, en abaissant la qualité des échanges et de la relation que permet une audience présentielle, marque un nouveau recul des garanties procédurales.

Après une analyse approfondie des dispositions du projet de loi, Forum réfugiés fera part de ses propositions aux parlementaires en vue de l’amender, avec l’objectif que soit mise en œuvre une politique d’asile, d’intégration et d’éloignement pleinement juste, efficace et respectueuse des droits des personnes.