Mineurs étrangers non accompagnés : le projet de loi en discussion pourrait écarter certaines garanties entourant l’évaluation de l’âge
Le projet de loi relatif à la protection des enfants, déjà adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 juillet 2021, a été adopté en première lecture par le Sénat le 15 décembre. Forum réfugiés-Cosi alerte sur la rédaction des dispositions relatives à l’évaluation sociale de l’âge et de l’isolement des jeunes étrangers, qui pourrait affaiblir significativement les exigences qui entourent actuellement cette étape clé du parcours de prise en charge.
Les jeunes étrangers sollicitant une protection au titre de l’enfance en danger, du fait de leur minorité et de l’absence de représentant légal sur le territoire français, doivent être mis à l’abri sans délai par le conseil départemental et faire l’objet d’une évaluation sociale visant à déterminer leur âge et leur isolement. Ce processus est entouré de nombreuses exigences posées par le cadre juridique actuel. L’une d’entre elle concerne la mise à l’abri au titre de l’accueil provisoire d’urgence, sous le régime défini par l’article L.223-2 du Code de l’action sociale et des familles, qui permet une prise en charge pendant cinq jours maximum.
Le projet de loi écarte la référence à ce cadre juridique de droit commun, renvoyant cet enjeu à un décret qui devrait notamment fixer les « dispositions relatives à la durée de l’accueil provisoire d’urgence ». Forum réfugiés-Cosi rappelle l’importance de mener la phase d’évaluation dans un contexte de prise en charge adéquate, lequel permet d’héberger et d’accompagner les jeunes sollicitant une protection, afin de les sécuriser et de les mettre en confiance. L’association sera attentive aux dispositions réglementaires qui seront édictées à ce sujet.
Par ailleurs, l’arrêté du 20 novembre 2019 décrit précisément le parcours d’évaluation et les conditions dans lesquelles doivent être menés les entretiens, et pose des garanties en termes de formation des évaluateurs, de pluridisciplinarité ou encore d’interprétariat. Il rappelle les principes fondamentaux de bienveillance, d’intérêt supérieur de l’enfant, et de bénéfice du doute, décrit les points qui doivent être abordés dans l’entretien (état civil, composition familiale, conditions de vie dans le pays d’origine, motifs de départ et parcours migratoire, conditions de vie en France, projet de la personne), et précise les étapes concluant l’évaluation (synthèse des éléments, information sur les droits).
C’est le cadre posé par cet arrêté qui donne depuis 2013 toute sa pertinence à l’évaluation sociale comme outil d’évaluation de l’âge. Le référentiel ainsi établi permet de disposer d’un cadre harmonisé au niveau national, afin que l’évaluation soit menée selon les mêmes modalités dans tous les conseils départementaux.
Or le projet de loi pourrait aboutir à la suppression de cet arrêté. En effet, celui-ci est pris en application d’un décret, celui du 24 juin 2016, dont les dispositions sont intégrées dans la loi mais sans renvoi à un autre texte réglementaire précisant les modalités de l’évaluation. L’arrêté du 20 novembre 2019 se trouvera donc de fait abrogé, sans garantie qu’il sera remplacé par des dispositions équivalentes. Derrière la mécanique législative et règlementaire, ce sont bel et bien des garanties qui sont en jeu.
C’est pourquoi Forum réfugiés-Cosi appelle les députés, qui seront amenés à débattre du texte en nouvelle lecture, à préserver les exigences actuelles entourant l’évaluation sociale de la minorité et de l’isolement, en indiquant dans l’article 15 du projet de loi que les modalités de l’évaluation et le contenu d’un référentiel national seront précisés par voie réglementaire.