Le changement de régime politique en Syrie a suscité un certain espoir chez les Syriens réfugiés en France, pour qui un retour dans leur pays d’origine devient désormais envisageable. Cette démarche porte le risque de perdre la protection accordée par les instances de l’asile, alors que les perspectives demeurent incertaines en Syrie, mais la mise en place d’un dispositif de retour temporaire a été annoncé mi-février 2025.

La chute du régime de Bachar El Assad le 8 décembre 2024 a très vite donné lieu à des questionnement et prises de position sur la situation des Syriens cherchant ou ayant obtenu une protection au titre de l’asile (voir notre article de janvier 2025).

D’après le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 300 000 personnes étaient déjà rentrées volontairement en Syrie à la mi-mars 2025, auxquels s’ajoutent 829 000 déplacés internes de retour dans leur région d’origine. Pour les Syriens protégés par la France, au nombre de 43 589 au 31 décembre 2023 (dont 23 224 ayant le statut de réfugié et 20 355 bénéficiant de la protection subsidiaire), la question s’est très vite posée : est-il possible de revenir en Syrie, même temporairement ?

Normalement, une personne bénéficiant d’une protection au titre de l’asile n’est pas autorisée à rentrer dans son pays d’origine. Cette démarche démontre que les craintes en cas de retour, reconnues par les instances de l’asile pour accorder une protection, ne sont plus présentes et donc que la protection n’est plus nécessaire. La fin de la protection peut également être demandée par les réfugiés en envoyant un formulaire dédié à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), mais ils perdent alors la protection juridique et administrative de l’OFPRA ainsi que leur droit au séjour en France avec tous les droits qui y sont attachés.

Les personnes protégées qui souhaitent rentrer temporairement dans leur pays peuvent demander à la préfecture de leur lieu de résidence la délivrance d’un « sauf-conduit » cas de « motifs impérieux », la préfecture pouvant alors solliciter l’avis de l’OFPRA sur la faisabilité d’un tel retour au regard des risques encourus. Ces motifs impérieux peuvent être par exemple des funérailles d’un membre de la famille, la visite d’un membre de la famille malade ou encore la résolution de démarches administratives (divorce, héritage, etc.), qui doivent être accompagnés de justificatifs. Une situation qui ne correspond pas aux motivations des Syriens qui expriment principalement des volontés de revenir dans leur pays pour évaluer la situation politique et sécuritaire sur place, prendre part à la reconstruction ou encore revoir des proches détenus depuis de nombreuses années. 

Ce vide juridique a notamment été évoqué par plusieurs parlementaires dans des questions remises à la présidence de l’Assemblée nationale au début du mois de février 2025. Une réponse partielle a été apportée par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères quelques jours plus tard. En ouverture de la Conférence de Paris sur la Syrie le 12 février 2025, le ministre a déclaré d’après les médias que les Syriens pourront « se rendre en Syrien de manière transitoire ». Le ministère de l’Intérieur a ensuite précisé que « le contexte nouveau en Syrie peut justifier l’inclusion dans ces motifs humanitaires de la nécessité d’effectuer un retour "exploratoire" sur place, par exemple pour reprendre contact avec des membres de leur famille ou constater l’état des biens laissés sur place ». L’idée semble d’appliquer la procédure habituelle décrite précédemment autour de la délivrance d’un « sauf-conduit délivré spécialement pour le voyage et pour une validité maximum de trois mois », avec donc des critères d’appréciations ne reposant plus sur le « motif impérieux » habituellement exigé. Le président de la République a évoqué également « la mise en place d’un dispositif ad hoc permettant aux préfectures françaises de délivrer, à titre exceptionnel, des sauf-conduits aux réfugiés syriens souhaitant revenir participer à la transition ». Au moment de rédiger cet article, aucune précision supplémentaire n’était cependant apportée sur la mise en place de ce dispositif.

L’autre hypothèse évoquée au moment de la transition politique du pays portant sur la possibilité d’un retour forcé des Syriens doit être écartée à ce stade. Cela suppose que l’OFPRA constate que les circonstances ayant justifié l’octroi d’une protection ont cessé d'exister ou ont connu un « changement suffisamment significatif et durable » pour qu’il mette fin à la protection, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative. Les massacres ayant causé la mort de près de 1 000 personnes début mars viennent malheureusement rappeler que la situation sécuritaire est encore très instable et que les conditions d’un retour durable ne sont pas encore réunies.

Pour les personnes dont la demande est encore en cours d’instruction, l’OFPRA n’a pas communiqué davantage sur la durée de la suspension provisoire de ses prises de décision, annoncée dès le 9 décembre 2024.