Lors d’une conférence en ligne organisée par Forum réfugiés, Nordine Drici, directeur du cabinet d'expertise ND Consultance, expert sur les questions d'asile et de droits humains, a présenté la Libye, son histoire, le contexte géopolitique et les enjeux de protection, en particulier des femmes et des migrants.

La Libye a un positionnement stratégique en Méditerranée pour sa proximité avec l’Europe. Elle vit sur ces réserves de gaz et de pétrole, qui sont les plus importantes en Afrique.

La majorité de la population libyenne, musulmane et urbaine, relève d’une tribu. Elle subit la dégradation du pouvoir d’achat, des infrastructures et des services publics ainsi que le chômage élevé de la jeunesse libyenne. La Libye est connue pour sa corruption et une mauvaise gouvernance. Transparency International la classe à la 170ème place sur 180 états étudiés dans son Indice de perception de la corruption en 2022.

Après la chute du colonel Mouammar Kadhafi en 2011 et 42 années de pouvoir dictatorial, la Libye a connu deux guerres civiles. Depuis 2022, malgré les multiples initiatives de paix, le pays est partagé entre deux autorités qui se disputent le pouvoir : une à Tripoli, à l’Ouest, avec le Gouvernement d'Unité Nationale (GNU) dirigé par d’Abdel Hamid Dbeibah, élu en 2021 et reconnu par la communauté internationale ; et l’autre en Cyrénaïque dans l’Est, depuis mars 2022 avec le Gouvernement de stabilité nationale (GSN) dirigé alors par Fathi Bachagha. Ce chao a permis la prolifération de groupes armés, notamment le groupe armé GSIM, à Tripoli.

 

Les femmes en Libye

Selon la loi qui régit le mariage, le mari reste le tuteur (wali) de son épouse et de ses enfants. Les conditions de divorce diffèrent pour les hommes et les femmes : alors qu’un homme peut demander le divorce pour tout motif, une femme peut le demander si son mari l’a abandonné ou s’il est incapable de lui fournir un soutien financier. Pour d’autres motifs, elle doit renoncer à sa dot, perd une partie de son autonomie financière et la garde de ses fils à leur puberté.

La loi criminalise les relations sexuelles hors mariage et ne fait pas de différence entre les rapports sexuels consensuels et non-consensuels. En cas de violences sexuelles, les femmes doivent prouver que les relations sexuelles n'étaient pas consenties. Les familles ont souvent recours à des arrangements, qui peuvent inclure le consentement à un mariage forcé entre le violeur et sa victime. De plus, le viol au sein du mariage n’est pas considéré comme un crime.

Le viol et la violence sexiste sont largement utilisés comme armes dans le contexte du conflit libyen par les combattants des différents camps, notamment envers les femmes et les filles migrantes, réfugiées et déplacées internes. Enfin, la polygamie, alors qu’elle était marginale sous Kadhafi, a augmenté depuis qu’elle a été facilitée par un avis de la Cour suprême libyenne de février 2013, afin de mettre sous protections des femmes seules à cause du conflit.

 

Migrants, demandeurs d’asile, déplacés en Libye

La Libye est un pays de départ et de transit. Il n’est pas un État partie à la Convention de Genève de 1951 sur le statut du réfugié et n’a pas de système de protection pour les demandeurs d’asile et les réfugiés ; c’est le Haut-commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) qui s’en charge. Cependant, la Constitution de 2011 reconnaît le droit d’asile et interdit le rapatriement forcé des demandeurs d’asile.

Depuis 2010, la Libye a signé plusieurs accords de coopération, avec l’Union européenne, l’Italie et Malte, visant à bloquer l’arrivée des migrants en Europe avec l’aide de l’Agence Frontex. Aucune garantie de respect des droits fondamentaux des migrants du côté libyen n’a été fixée entre l’Italie et la Libye. Selon les Nations unies, les personnes déplacées internes, les migrants, demandeurs d’asile et les réfugiés en Libye étaient 823 000 en 2019, soit 12 % de la population totale.

L’ONU a demandé à plusieurs reprises à l’Union européenne de stopper l’opération de surveillance des frontières avec la Libye, car les migrants sont victimes de violations de droits humains aux mains d’agents de l’Etat, de garde-côtes ou de membres de milices et de groupes armés, en toute impunité : mise en détention abusive (en octobre 2021, plus de 7 000 migrants et réfugiés, dont des centaines d’enfants, étaient détenus dans des centres officiels et non officiels de détention), torture, violences sexuelles, disparitions forcées et traite des êtres humains ou risque d’être vendus à des passeurs.

Près de 80 % des migrants soutenus par l’organisation italienne Médecins pour les droits de l’homme entre 2014 été 2020 ont rapporté des conséquences physiques suite à leur transfert dans les centres de détention en Libye et 79 % d’entre eux ont déclaré souffrir de troubles du stress post-traumatique (PTSD). Selon l’Organisation international des Migrations (OIM), il y avait près de 680 000 migrants originaires de 41 pays en Libye en décembre 2022.

Le contenu de cet article reprend les éléments développés lors de la conférence de Nordine Drici, qui peut être revisionnée en intégralité ici : 

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