Protection temporaire des réfugiés d'Ukraine : bilan et perspectives après une année de mise en œuvre
Le 4 mars 2022, en réaction aux déplacements massifs entraînés par la guerre menée par la Russie sur le territoire ukrainien, l’Union européenne a, pour la première fois, activé la directive sur la protection temporaire. Ce dispositif, qui a permis de protéger rapidement plusieurs millions de personnes, a connu de multiples développements mais son avenir demeure incertain.
La protection temporaire est un mécanisme d’urgence de l’UE en cas d’arrivées adopté en 2001, mais qui a été activé pour la première fois en mars 2022 pour répondre à la problématique des déplacements forcés depuis l’Ukraine vers l’Union européenne (voir notre article d’avril 2022).
Parallèlement plusieurs initiatives de l’Union européenne (UE) ont permis de compléter ce cadre juridique à travers des dispositifs visant à protéger et d’intégrer les personnes déplacées d’Ukraine, dont :
- Plan anti-traite des êtres humains ;
- Ligne téléphonique d’aide en ukrainien et en russe ;
- Plateforme sur la PT, qui permet aux États membres (EM) d’échanger sur les personnes enregistrées ;
- Recommandations de la Commission sur la fourniture d’un hébergement privé sûr et adapté ;
- Recommandations de la Commission sur la reconnaissance des titres et diplômes, ainsi que des qualifications académiques et professionnelles ;
- Projet pilote de base de données de talents ukrainiens, disponible dans plusieurs langues, permettant aux réfugiés de déposer un CV et de trouver des offres d’emploi dans les Etats participants (Finlande, Pologne, Lituanie, Croatie, Espagne, Chypre et Slovaquie), et pas seulement l’Etat de résidence.
La Commission affirmait en février 2023 que, depuis l’activation de la directive sur la protection temporaire, environ 4 millions de personnes dans l’UE se sont enregistrées à ce titre, plus de 700 000 élèves ont été intégrés dans les systèmes scolaires des EM, et plus d’1.1 million de bénéficiaires ont un emploi dans l’Union. Même si beaucoup de réfugiés d’Ukraine sont déjà autonomes en matière de logement ou d’hébergement, la dernière enquête de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux révèle des difficultés d’apprentissage de la langue du pays d’accueil, d’accès à l’éducation, au marché du travail et aux soins de santé.
En janvier 2023, l’Allemagne avait accueilli le plus grand nombre de bénéficiaires (1 004 965), suivi de la Pologne (974 906), de l’Espagne (165 415), de la Bulgarie (149 790) et de l’Italie (146 520). La France est loin derrière avec 69 645 personnes (Source Eurostat). Au regard de la population, les plus gros ratios se trouvent à Chypre, en Estonie et en Pologne.
Il faut toutefois prendre en compte le fait que beaucoup n’ont pas encore choisi leur lieu de résidence dans l’UE et se déplacent d’un pays à l’autre (sans s’inscrire, en ne se désinscrivant pas ou en s’inscrivant plusieurs fois dans différents EM), que beaucoup retournent temporairement en Ukraine, et que certains décident de retourner définitivement en Ukraine. En effet, malgré des difficultés liées à la faute de titre de voyage, observées notamment en Pologne, les Ukrainiens et bénéficiaires de la PT ont le droit de voyager dans l’UE jusqu’à 90 jours sur une période de 180 jours.
Le 10 octobre 2022, la commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a annoncé qu’il n’est pas nécessaire de se désinscrire en cas de retour en Ukraine, puisque les risques sont toujours présents. L’unique tâche administrative à réaliser est la notification du retour à l’autorité nationale compétente. En cas de retour dans l’UE, une notification à l’EM de résidence est nécessaire, et ouvrira de nouveau les allocations sociales.
La protection temporaire a initialement été octroyée pour un an, mais, le 10 octobre 2022, la commissaire a également annoncé qu’elle serait prolongée « au moins jusqu’à mars 2024 » donc bien que la directive prévoit une prolongation par périodes de six mois, on peut déjà se projeter au moins jusqu’à mars 2024. Ensuite, pour une éventuelle prolongation jusqu’en 2025 (la dernière possible, la protection temporaire ne pouvant durer plus de 3 ans), une reconduction tacite ne suffira pas : il faudra une décision du Conseil à la majorité qualifiée.
En mars 2024 ou 2025, se posera la question des suites à donner en termes de protection si le conflit en Ukraine venait à durer. Deux options sont ainsi envisageables :
- L’asile ou la protection subsidiaire.
À la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, il y a eu une forte augmentation du nombre de primo demandeurs d’asile ukrainiens (de 2 365 en février à 12 875 en mars 2022), mais les chiffres ont diminué chaque mois (1 060 en novembre 2022), dû à la PT (Sources Eurostat 1 et 2). À l’approche du terme de la PT, une augmentation des demandes d’asile est à prévoir. Le basculement vers l’asile, s’il n’est pas facilité notamment en termes de délais de procédure, impliquerait un retour temporaire à un statut moins protecteur (demandeur d’asile) pour des personnes précédemment protégées comme des réfugiés.
- Cartes de séjour spéciales ou cartes de séjour de droit commun.
En Pologne, par exemple, un règlement a été introduit concernant la possibilité pour les personnes bénéficiant d’une PT, à partir du 1er avril 2023, de présenter des demandes de permis de séjour temporaire dans le but de travailler dans le pays (déjà autorisé grâce à la PT).