Le 7 mars 2023, le gouvernement britannique a dévoilé une proposition législative qui, si elle est adoptée, rendrait inadmissibles les demandes d’asile de ceux qui traversent la Manche à bord de petits canots. Ces personnes pourraient alors être retenues (mineurs compris), expulsées ou refoulées au Rwanda pour y demander la protection internationale.

Le modèle d’interception des bateaux et d’envoi des demandeurs d’asile dans un autre États, sans perspective réelle d’installation dans l’État de destination souhaitée, a été mis au point par l’Australie, en 2012, en collaboration avec Nauru et la Papouasie Nouvelle-Guinée. L’ancien ministre des Affaires étrangères du pays, Alexander Downer, a d’ailleurs conseillé le premier ministre britannique, Rishi Sunak, sur la politique migratoire.

Pour le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), bien que les transferts puissent être légaux, l’accord du Royaume-Uni avec le Rwanda de 140 millions de livres, qui date d’avril 2022, et est antérieur au projet de loi actuel, ne répond pas aux exigences internationales, puisque la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ratifiée par le Royaume-Uni, ne serait pas respectée.

En effet, le Rwanda n’est pas notoirement connu pour son respect des droits de l’homme, alors que pour qu’un tel accord soit légal, le principe de non-refoulement, c’est-à-dire de non-renvoi vers un pays où il existe un risque de persécution, ainsi que l’accès à une procédure d’asile équitable et efficace, à des soins de santé, à l’emploi, à l’éducation, à l’assurance sociale et la libre circulation, entre autres, doit être garanti. Selon l’accord, le Royaume-Uni ne prendrait à sa charge qu’une partie des réfugiés les plus vulnérables.

En juin 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a accordé une mesure provisoire urgente concernant le refoulement imminent d’un demandeur d’asile vers le Rwanda. Le 19 décembre 2022, la Haute Cour britannique a cependant jugé que le projet de renvoi de migrants vers le Rwanda était légal. Une procédure d’appel est actuellement en cours. La décision n’étant pas définitive, aucun vol ne peut donc décoller pour le moment.

Ces tumultes judiciaires ne découragent toutefois pas d’autres États européens qui souhaitent se délester de leurs obligations internationales, et cela depuis des années.

Dans une lettre du 6 février 2023 au Conseil européen, les premiers ministres de l’Autriche, du Danemark, de l’Estonie, de la Grèce, de la Lituanie, de Malte, de la Lettonie et de la Slovaquie ont appelé à plus d’accords d’externalisation avec des pays tiers sur le modèle de l’accord Union européenne (UE) - Turquie. Toujours en février 2023, Joachim Stamp, le nouveau représentant spécial de l’Allemagne pour les accords de migration, a proposé l’ouverture de centres pour demandeurs d’asile sur les routes migratoires, ce qu’il juge « plus humain » que les centres rwandais du Danemark ou du Royaume-Uni, encore à l’état de projet.

Il est à noter que l’application du concept de « pays tiers sûr » (article 38 de la directive européenne 2013/32), permettant aux États membres de renvoyer un demandeur d’asile vers un pays respectant les droits fondamentaux avec lequel il a une connexion, est une forme d’externalisation. Il existe plusieurs manières d’envisager une cession de responsabilité à un autre État. Le programme électoral de la chef du gouvernement italien, Giorgia Méloni, pour prendre un autre exemple, contient la proposition d’envoyer les demandeurs d’asile chez des partenaires d’Afrique du Nord, tel que la Libye, et de les y maintenir durant l’examen de leur demande, avant de les répartir dans l’UE (Hotspots).

Il n’est pas étonnant qu’un nombre important de propositions et de projets d’externalisation voient le jour dès lors que l’UE elle-même adopte ces orientations politiques illustrées principalement par l’accord UE-Turquie de 2016 qui revient à renvoyer des demandeurs d’asile sans examen de leur besoin de protection.