Asile : quels sont les changements prévus dans le nouveau projet de loi ?
Un nouveau projet de loi, qui devrait être examiné au cours de l’année 2023, apportera des modifications sur plusieurs aspects du droit des étrangers et du droit d’asile. Dans ce dernier domaine, la version actuelle du texte laisse apparaitre trois changements majeurs portant sur l’accès à la procédure, la phase de recours et le droit au travail des demandeurs d’asile.
Annoncé à l’été 2022 par le ministre de l’Intérieur, le nouveau projet de loi sur l’asile et l’immigration devrait être présenté prochainement en Conseil des ministres. Le texte soumis pour avis au Conseil d’État le 20 décembre (qui dispose de quatre semaines pour se prononcer) permet de prendre connaissance des mesures envisagées par le gouvernement, avant le lancement du processus législatif qui modifiera peut être certaines dispositions. Plusieurs changements sont notamment envisagés en matière d’exercice du droit d’asile.
Au stade de l’entrée dans la procédure, le projet de loi prévoit une réorganisation des services de l’État au sein de pôles nommés « France asile ». Si l’on ignore encore le nombre et la localisation de ces pôles (à définir par voie réglementaire, après le vote de la loi), le projet de loi nous éclaire sur leur rôle. En plus de la Préfecture (compétente pour enregistrer les demandes d’asile et autoriser au séjour les demandeurs) et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII, compétent notamment pour attribuer les conditions matérielles d’accueil) actuellement réunis au sein des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA), le nouveau dispositif intégrerait également des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Alors que les demandeurs d’asile ont aujourd’hui un délai de 21 jours pour introduire leur demande à l’OFPRA à travers un formulaire à remplir en français, la présence de l’OFPRA permettrait une introduction plus rapide de la demande – mais également un temps de préparation et d’information limités, et un accompagnement moindre à cette étape qui n’est cependant pas déterminante en pratique. Lorsque des « missions foraines » seront mises en place (déplacement de l’OFPRA dans certains territoires, comme cela se fait déjà), les entretiens seront menés dans ces lieux. De nombreuses questions demeurent quant à la mise en œuvre pratique de ce nouveau dispositif : ces réponses organisationnelles ne relèvent pas de la loi et seront connues à travers des textes réglementaires adoptés par la suite.
Le projet de loi prévoit par ailleurs de modifier l’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction administrative chargée d’examiner les recours des demandeurs d’asile n’ayant pas obtenu satisfaction devant l’OFPRA. Alors que le principe est aujourd’hui de juger les demandeurs d’asile en formation collégiale, composée de trois membres dont un assesseur du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), il est prévu que tous les demandeurs d’asile soient entendus par un juge unique (utilisé aujourd’hui pour les seules procédures accélérées). Le renvoi en formation collégiale est possible si le dossier soulève une « difficulté sérieuse ». En termes d’organisation, le projet de loi prévoit par ailleurs qu’en dehors de son siège, la CNDA peut comprendre des « chambre territoriales » dont le siège et le ressort seront fixés ultérieurement par voie réglementaire.
Enfin, un troisième volet important de la loi concernant le droit d’asile concerne le droit au travail pour les demandeurs d’asile. Alors que la loi prévoit actuellement une possibilité d’accéder au travail si l’OFPRA n’a pas statué dans un délai de six mois, cet accès pourrait être ouvert dès l’enregistrement de la demande d’asile pour les demandeurs d’asile originaires d’un pays pour lequel le « taux de protection internationale accordée en France » est supérieur à un seuil défini par décret. Seuls les demandeurs d’asile placés en procédure normale seraient concernés par cette disposition qui permettrait un accès plus rapide au marché du travail pour certains demandeurs d’asile, mais ne modifie pas par ailleurs le processus complexe d’obtention d’une autorisation de travail pour ces publics. Un rapport parlementaire publié en 2020 (voir notre article à ce sujet) avait révélé que cette procédure administrative très contraignante n’avait mené qu’à la délivrance de 997 autorisations de travail à des demandeurs d’asile en 2017 (dernières données disponibles).
Le projet de loi, dont le contenu sera connu au moment de la présentation en Conseil des ministres et pourra évoluer au cours du processus législatif, comporte par ailleurs des dispositions susceptible d’affecter également le système d’asile. Il comporte notamment des volets consacrés à l’intégration par le travail (qui peut concerner les bénéficiaires d’une protection internationale) ou encore l’éloignement (qui peut concerner les déboutés de l’asile, mais aussi les demandeurs sous procédure Dublin).