Un rapport publié par l’association Primo Levi le 20 juin 2024, alerte sur la dégradation de l’état de santé mentale des personnes exilées, aggravée par les violences et traumatismes qu’elles subissent tout au long de leur parcours.

À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin 2024, le Centre Primo Levi a publié un rapport alertant sur la dégradation de l’état de santé mentale des exilés, confrontés à une offre de soins insuffisante.

Ainsi, selon les données de l’Institut national d’études démographique (INED) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), une personne sur cinq souffre d’un trouble psychique. Si on se réfère aux 145 522 demandeurs d’asile recensés en France, en 2023, 29 104 personnes seraient susceptibles d’être concernées par de tels troubles.

Torturées, emprisonnées, violées, ces personnes fuyant leurs pays, voient leurs traumatismes aggravés par les violences qu’elles subissent tout au long de leur parcours migratoire, jusqu’en France. En effet, d’après un rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), 76% des migrants en situation irrégulière ont subi des actes de tortures ou autres mauvais traitements sur leurs parcours, ce qui représente un total de 7 millions de victimes dans le monde. À l’échelle de la France, l’OFPRA constate qu’une part importante des demandeurs d’asile faisait également état, en 2022, de torture ou de traitements inhumains et dégradants. Le Centre Primo Levi, quant à lui, rapporte que la quasi-totalité de ses patientes et 70% à 80% des patients ont subi des violences sexuelles.

Cette dégradation de l’état de santé des exilés est aggravée par l’insuffisante prise en compte de leur état tout au long de leur parcours d’asile. Tout d’abord, durant les trois premiers mois après leur arrivée en France, les demandeurs d’asile ne peuvent accéder à l’assurance maladie et ne peuvent bénéficier que d’un dispositif de soins urgents et vitaux, dispensés en établissement de santé, au sein des services d’urgence des hôpitaux ou dans les Permanence d’accès aux soins de santé (PASS). Un tel délai entraine donc, inévitablement, des retards en termes de prise en charge.

Ensuite, les équipes présentes dans les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, sont en première ligne et peuvent orienter vers des soins spécialisés, en cas de besoin les personnes qui y sont hébergées. Or, repérer et accompagner la souffrance psychique peut s’avérer difficile : certaines équipes ne sont pas formées et peuvent se sentir démunies face à l’évocation d’un possible psycho-traumatisme qui relève alors d’une intrusion dans l’intimité de la personne.

Du côté des demandeurs d’asile, au-delà des représentations stigmatisantes des soins en santé mentale, ils éprouvent beaucoup de difficultés à décrire leurs troubles, ce qui entrave leur demande de soin. Enfin, la souffrance psychique n’est pas une priorité pour ces personnes qui sont confrontées à des questions matérielles plus urgentes (hébergement, alimentation, pris en charge des enfants).

Enfin, le rejet de la demande d’asile constitue un choc psychologique important pour les déboutés de l’asile, qui voient alors la réalité de leur vécu remise en cause. À ce choc, s’ajoute le changement immédiat de statut : le débouté cesse de recevoir toute allocation financière et doit quitter son lieu d’hébergement. La dépression est ainsi le premier symptôme à se manifester après un refus d’asile et a pour conséquence l’affaiblissement du système immunitaire, l’apparition de troubles du sommeil ou encore de douleurs corporelles.

Les personnes qui accompagnent les exilés, adultes comme enfants, au quotidien, le constatent : les conditions institutionnelles et matérielles d’accueil, censées offrir un repos, créent des nouvelles souffrances psychiques chez les personnes exilées en France.

Au vu de ces constats, le Centre Primo Levi formule les recommandations suivantes :

  • Intégrer une meilleure prise en compte de la souffrance psychique des personnes exilées à toutes les étapes du parcours de la demande d’asile.
  • Adapter le droit commun à la souffrance psychique des personnes exilées.
  • Placer les questions relatives à la santé, notamment mentale, des étrangers sous la compétence exclusive du ministère de la Santé et de la Prévention.
  • Proposer un accueil effectif aux personnes exilées.