Pour Forum réfugiés-Cosi, l’enjeu principal est de décider d’actions qui mettent en œuvre dans les meilleures conditions possibles le droit d’asile consacré il y a 70 ans dans la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Ce cadre de droit international, complété par les normes européennes et françaises, rappelle que l’entrée irrégulière ne peut être opposée à une personne exerçant ce droit fondamental, et impose aux États signataires d’examiner toute demande d’asile qui leur est adressée. Le principe de non refoulement, clé de voûte de la Convention de Genève, prohibe le renvoi d’un demandeur d'asile aux frontières de territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée, ou bien où il serait exposé à des persécutions. Les Afghans doivent par ailleurs pouvoir quitter librement leur pays, comme l’ont rappelé plusieurs États dont la France dans une déclaration commune du 16 août 2021.

Sans préjuger des décisions des instances de l’asile, qui pourront accorder le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire (pour celles et ceux qui risquent l’exécution, la torture, ou fuient des « violences aveugles »), mais aussi rejeter les situations qui justifient l’exclusion ou le refus d’une protection (notamment au regard des agissements constatés dans le pays d’origine ou des risques pour la sécurité du pays d’accueil), c’est bien autour du système d’asile que doit s’articuler la réflexion sur les déplacements de population entraînés par la situation afghane. La France doit jouer un rôle moteur dans le cadre de l’Union européenne et de l’Organisation des Nations unies, pour s’accorder sur des mesures communes en matière d’accueil et de protection, seules à même de limiter les voyages périlleux et le développement d’activités criminelles, notamment la traite des êtres humains.

Forum réfugiés-Cosi se félicite des actions menées depuis plusieurs mois pour acheminer des Afghans ayant un lien avec les actions françaises dans le pays, et menacées à ce titre. Plus de 600 personnes sont déjà arrivées, d’autres sont encore attendues. Notre association participe, avec d’autres, à cet accueil à travers un dispositif d’accompagnement à l’arrivée. Les engagements du président de la République visant à protéger les « défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants, (…) menacés en raison de leur engagement » sont à saluer ; pour autant le droit d’asile ne se limite pas à ces situations emblématiques, et la protection internationale impose des mesures plus larges et ambitieuses, dans un contexte où près de trois millions d’Afghans sont déjà réfugiés dans un autre pays – dont près de 80% en Iran et au Pakistan voisins.

Des voies légales d’accès doivent être développées, notamment depuis ces pays. Des engagements doivent être pris à destination des réfugiés les plus vulnérables, dans le cadre des programmes de réinstallation mis en œuvre par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), mais également pour les Afghans dont un membre de famille est déjà réfugié en France – parfois devenu français. Le conjoint et les enfants bénéficient du droit à la réunification familiale, et 3 500 d’entre eux sont inscrits dans cette procédure très longue et jonchée d’obstacles, si bien que des mesures visant à simplifier et accélérer les démarches doivent être prises pour faciliter la réunification des familles.

Enfin, une protection au titre de l’asile doit être largement accordée aux Afghans déjà présents en France. Ceux dont la demande d’asile est en cours d’instruction doivent voir leur situation examinée au regard de l’évolution récente de la situation, ce qui suppose notamment de revoir la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile en date de novembre 2020, laquelle avait restreint la protection des Afghans. Ceux qui ont vu leur demande rejetée et qui peuvent faire valoir des faits nouveaux à l’appui de leurs craintes de persécution peuvent solliciter le réexamen de leur demande de protection.

Quant aux demandeurs d’asile placés sous réglement Dublin, la France a toute latitude – comme les autres États européens où il s’applique, et de préférence de manière concertée –, de requalifier leur demande au titre de la clause de souveraineté (Art. 17 du Règlement), notamment lorsque les personnes peuvent faire état de liens avec la France, pour permettre l’octroi rapide d’une protection. Aucun transfert ne doit être mis en œuvre vers un autre État européen où la protection ne pourrait être assurée, ou dans lequel existent des risques de renvoi vers l’Afghanistan. Comme elle s’y est engagée il y a quelques jours, la France doit par ailleurs suspendre tout processus d’éloignement d’Afghans précédemment déboutés de leur demande d’asile.