Malgré la crise sanitaire, préserver le droit d’asile
La France, comme l’ensemble des pays européens, est confrontée à une crise sanitaire majeure liée au virus Covid-19, crise qui entraîne une nécessaire suspension ou limitation des activités dans de nombreux domaines. Pleinement conscient de ce contexte exceptionnel, Forum réfugiés-Cosi rappelle cependant que le droit de demander l’asile est un droit fondamental de l’être humain (Article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948), et que le droit de demander l’asile à la frontière comme sur le territoire ne doit et ne peut juridiquement être remis en question.
Aux frontières, le principe de non refoulement demeure la pierre angulaire de la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié. Le 19 mars 2020, le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés Filippo Grandi a déclaré que les mesures adoptées par les États du fait de la crise sanitaire « ne devraient pas avoir pour effet de fermer les voies d’accès aux régimes d’asile, ni de forcer des civils à retourner vers des situations de danger ». Il ajoute que « si des risques sanitaires sont identifiés, des systèmes de dépistage peuvent être mis en place ainsi que des tests, le placement en quarantaine et d’autres mesures ».
Forum réfugiés-Cosi demande que des directives en ce sens soient données aux services de police aux frontières, alors même que l’instruction du Premier ministre en date du 18 mars sur le contrôle des frontières ne fait aucune mention du droit d’asile, dont il faut aussi rappeler qu’il est un droit constitutionnel.
Sur le territoire, les adaptations du système d’asile sont bien entendu nécessaires, l’ensemble de ses acteurs étant soumis aux contraintes générées par les mesures de confinement et le respect des consignes sanitaires.
L’accès à la demande d’asile doit cependant demeurer possible, en tant qu’il constitue un service public essentiel assurant le respect d’un droit fondamental. Forum réfugiés-Cosi forme le vœu que des mesures soient adoptées, de manière aussi harmonisée que possible sur l’ensemble du territoire, pour que les guichets uniques réunissant les services des préfectures et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) continuent, selon des modalités adaptées, leurs missions d’enregistrement des demandes d’asile et d’attribution des conditions matérielles d’accueil. Tout doit être également fait pour que les services de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) puissent, moyennant des mesures adaptées et dans le strict respect des instructions des autorités sanitaires, ne pas empêcher l’accès à la protection internationale.
Concernant l’instruction des demandes, Forum réfugiés-Cosi salue les mesures annoncées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) visant à préserver la possibilité d’obtenir une protection pour toutes les personnes relevant du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire.
Ces considérations s’appliquent par ailleurs à l’Union européenne et à l’ensemble des États membres, où des régimes juridiques d’exceptions et des pratiques dérogatoires s’établissent parfois sans une prise en compte suffisante des impératifs liés au droit d’asile. Forum réfugiés-Cosi est particulièrement préoccupé par la situation à la frontière entre la Turquie et la Grèce, laquelle s’apprête à éloigner vers leur pays d’origine plusieurs centaines de réfugiés entrés sur son territoire, sans examen de leur demande d’asile. La mise en œuvre de telles mesures, qu’elles soient adoptées au motif de la crise sanitaire ou qu’elles la précèdent (pour la Grèce, voir notre communiqué du 3 mars 2020), vont à l’encontre du droit international et du droit européen.
Comme l’affirme très justement le Haut-Commissaire aux réfugiés Filippo Grandi dans sa déclaration précitée, « en ces temps difficiles, n’oublions pas les personnes qui fuient les guerres et la persécution, elles ont besoin – comme nous tous – de solidarité et de compassion, aujourd’hui plus que jamais ».