Cour nationale du droit d’asile : des garanties procédurales essentielles
Dans une décision du 8 juin 2020, le Conseil d’État a suspendu l’application d’une disposition d’une ordonnance prise le 13 mai 2020 qui rendait applicable à tous les recours devant la Cour nationale du droit d’asile la procédure normalement applicable aux seules procédures accélérées. Forum réfugiés-Cosi se félicite de cette décision, qui préserve des garanties procédurales essentielles pour l’exercice du droit au recours en matière d’asile.
Adoptée dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, l’ordonnance du 13 mai 2020 adapte plusieurs règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif. La disposition suspendue par le Conseil d’État prévoyait de traiter l’ensemble des recours en audience à juge unique, et non en formation collégiale comme la loi le prévoit pour les procédures dites normales ; elle prévoyait également que la décision soit rendue dans un délai de cinq semaines, contre cinq mois pour les procédures normales.
L’abaissement des garanties procédurales pour les demandes traitées en procédure accélérée repose sur le postulat que ces demandes sont a priori moins fondées et peuvent dès lors être instruites plus rapidement. L’application de ces règles à l’ensemble des procédures portait le risque d’une dégradation du droit au recours présentant des conséquences majeures en matière d’asile, que ne peut justifier la période exceptionnelle d’état d’urgence sanitaire : passer à côté d’un besoin de protection peut en effet entraîner le renvoi d’une personne dans un pays où elle craint pour sa vie ou sa sécurité. Pour fonder la suspension de cette mesure, le Conseil d’État a notamment rappelé « l’importance de la garantie que présente, pour les demandeurs d’asile, la collégialité des formations de jugement ».
Une autre disposition problématique, applicable à l’ensemble des juridictions administratives, était également contestée par les associations à l’origine du recours devant le Conseil d’État : la possibilité pour les membres de la juridiction de participer à l'audience depuis un lieu distinct de la salle d'audience en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle. Forum réfugiés-Cosi regrette que le Conseil d’État n’ait pas suspendu cette disposition.
Malgré les difficultés que peuvent rencontrer certains membres de la Cour pour se rendre dans la salle d’audience, le jugement par vidéo-audience ne peut prétendre atteindre la qualité des échanges et de la relation que permet une audience présentielle. La mise en place de telles audiences, décidées par la Cour en décembre 2018 (voir notre communiqué de presse à ce sujet), avait d’ailleurs été suspendue dans l’attente du résultat d’une médiation avec les avocats qui est toujours en cours. Forum réfugiés-Cosi appelle donc la CNDA à n’utiliser cette possibilité ouverte par l’ordonnance du 13 mai 2020 qu’à titre exceptionnel, l’assouplissement actuel des mesures de sortie du confinement devant permettre le déplacement des membres de la juridiction dans la salle d’audience.