En 2024, un budget de l’asile qui poursuit sa hausse
Le projet de loi de finances, actuellement discuté au Parlement, prévoit pour 2024 des dépenses de 1,4 milliard d’euros pour l’exercice du droit d’asile, en hausse de 11% par rapport à cette année. Ce budget couvre notamment de nouvelles créations de places au sein du dispositif national d’accueil et l’augmentation des postes dédiés à l’établissement des actes d’état civil pour les réfugiés.
La partie consacrée aux dépenses du projet de loi de finances pour l’année 2024 a été adoptée le 9 novembre par l’Assemblée nationale. L’analyse de l’annexe dédiée aux crédits de la mission « immigration, asile, intégration » permet notamment de connaître le budget qui sera consacré à l’exercice du droit d’asile en France l’année prochaine.
Sur un budget global de la mission qui s’élève à 2,16 milliards d’euros, la « garantie de l’exercice du droit d’asile » est financée à hauteur de 1,407 milliard d’euros (+11% par rapport à 2023). Cette somme couvre principalement les frais liés au fonctionnement des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, dont le coût est estimé à 878,5 millions pour 2024. À ce titre, il est prévu de créer 1 000 nouvelles places dédiées à ce public en 2024, dont 500 places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et 500 places en centre d’accueil et d’évaluation des situations (CAES). Le parc d’hébergement sera ainsi porté à 110 314 places pour demandeurs d’asile, incluant les 500 places des SAS d’accueil temporaires créées en 2023 qui seront pérennisées à partir de 2024 (sur les missions de ces SAS, voir notre article d’octobre 2023).
Le prix de journée de ces lieux, qui avait augmenté pour la première fois depuis plusieurs années en 2023 pour prendre en compte la revalorisation salariale du secteur suite au « Ségur du social » de 2022 et l’augmentation des coûts liés aux conséquences de l’inflation, connait une nouvelle hausse qui varie de 0,3 € à 0,45 € par jour selon les dispositifs. Le prix de journée des CADA passe par exemple de 21 € à 21,35 € par place. Cette évolution demeure insuffisante pour les gestionnaires de dispositifs qui connaissent une hausse des coûts (loyers et charges notamment) bien supérieure en raison de l’inflation.
Le financement de ces places s’accompagne, comme chaque année, d’indicateurs visant à évaluer la pertinence des budgets alloués. On apprend ainsi que la part des demandeurs d’asile éligibles aux conditions matérielles d’accueil (CMA) et ne disposant pas d’un hébergement, qui seront hébergés dans ces places dédiées fin 2023, devrait être de 59% alors qu’on objectif de 70% était fixé par la précédente loi de finances. L’objectif pour 2024 est fixé à 64% et cette « cible » doit augmenter progressivement jusqu’à 2025 où l’objectif est fixé à 70%, grâce à « plusieurs leviers » : réduction de la présence indue, création de places d’hébergement, haut maintien de l’activité décisionnelle de l’OFPRA et de la CNDA. Il convient cependant de souligner que ces indicateurs ne prennent pas en compte les demandeurs d’asile non éligibles aux CMA, qui sont de plus en plus nombreux (voir notre article de juillet 2022 à ce sujet).
Concernant la fluidité du parc d’hébergement, la « part des places occupées par des demandeurs d’asile ou autres personnes autorisées » constitue un indicateur clé pour le gouvernement. À ce titre, il est rappelé qu’un objectif de 84% des places occupées par ces personnes à la fin de l’année 2023 avait été fixé par la précédente loi de finances, révisé à 79% - ce qui signifie donc que 21% des places sont occupées par des personnes en présence indue ou sont soit vacantes soit indisponibles. Pour 2024, l’objectif est fixé à 86% et passe à 87% en 2025 puis à 91% en 2026. La prévision porte sur 12% de présence indue pour les réfugiés et 7,5% pour les déboutés. Il est précisé que le taux de présence indue des BPI est en augmentation ces dernières années, passant de 6,7% en 2020 à 12,8% en août 2023.
Concernant l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), la dotation prévue en 2024 est de 293,9 millions d’euros, soit 7% de moins que l’année précédente (314,7 millions d’euros). Elle s’appuie sur l’hypothèse d’une poursuite d’un haut niveau de demande d’asile, avec 180 000 demandes estimées en GUDA en 2024. L’allocation serait versée à 106 011 individus en moyenne dans l’année avec un coût de 231 € par mois et par personne. À cela s’ajoute des frais de gestion de l’ADA à hauteur de 6,4 millions d’euros.
Cette baisse de l’ADA suppose (comme les années précédentes) une réduction des délais d’instruction, et une « intensification des dispositifs de contrôle » par l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui est par ailleurs invité à poursuivre la mise en œuvre des dispositions issues de la loi de 2018 qui réduisent le nombre de bénéficiaires.
Étonnamment, les frais liés au versement de l’ADA pour les réfugiés d’Ukraine ne sont pas évoqués alors que 71 855 bénéficiaires de la protection temporaire touchaient encore l’ADA en septembre 2023 d’après l’OFII. Il est simplement prévu que la mission « immigration, asile, intégration » poursuive le financement de cette ADA ainsi que des places d’hébergement pour la mise à l’abri de ces personnes, sans pour autant prévoir de crédits dédiés à cela.
Pour l’instruction des demandes d’asile, un budget de 108 millions d’euros est prévu pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), en hausse de 4%, avec un objectif de traitement des demandes fixé à 60 jours pour 2024. Cet objectif est répété dans chaque loi de finances depuis 2018, sans jamais être atteint : au premier semestre 2023, le délai moyen de traitement par l’OFPRA était encore de 121 jours. En 2024, 8 emplois supplémentaires seront financés pour l’instruction des demandes. La Cour nationale du droit d’asile voit son budget passer de 48 à 49,6 millions d’euros, avec un objectif de délai moyen de jugement fixé pour 2024 à 5 mois et 15 jours pour les procédures normales, et 6 semaines pour les procédures accélérées. Au 30 juin 2023, le délai moyen de l’ensemble des dossiers était de 6 mois et 12 jours.
En matière d’intégration, les enjeux liés au délai d’établissement des actes d’état civil par l’OFPRA (voir notre article de juillet 2023) ont été pris en compte puisque 16 emplois supplémentaires sont financés pour 2024 au sein des services dédiés à ces missions. Pour l’hébergement des réfugiés les plus vulnérables, il est prévu de financer 500 places supplémentaires en centres provisoires d’hébergement (CPH) ce qui portera la capacité de parc d’hébergement à 11 418 places fin 2024. A cela s’ajoutent 850 places dans d’autres dispositifs dédiés à l’hébergement de ce public.
L’action 12 « intégration des étrangers primo-arrivant » est dotée de 174,6 millions d’euros en crédit de paiement qui financent notamment le programme AGIR (pour en savoir plus sur ce programme, voir notre article de juin 2023) - qui repose aussi sur des financements figurant dans d’autres missions du budget de l’Etat. Le programme AGIR a été déployé dans 26 départements en 2022 et 26 autres en 2023. Au 31 août 2023, 40 programmes étaient opérationnels, ayant permis d’accompagner individuellement plus de 8 300 personnes. Des objectifs sont fixés en matière de taux de sortie positive en logement et en emploi ou formation pour le programme AGIR, mais il est précisé qu’« il est encore trop tôt pour en évaluer les résultats ».