Le téléservice ANEF mis en place depuis 2020 pour assurer la demande de titre de séjour de façon dématérialisée est marqué par de nombreux dysfonctionnement qui impactent fortement la situation des étrangers. Une enquête de la Fédération des acteurs de la solidarité publiée en octobre 2024 et un rapport du Défenseur des droits rendu public le 11 décembre 2024 documentent cette défaillance et formulent des recommandations.

Dans un contexte de développement des services dématérialisés dans plusieurs domaines de la vie quotidienne, le ministère de l’Intérieur a déployé à partir de novembre 2020 un téléservice appelé « Administration numérique des étrangers en France » (ANEF). Depuis cette date, les demandes de titre de séjour sont progressivement dématérialisées et les étrangers doivent ainsi effectuer les démarches en ligne. Les bénéficiaires de la protection internationale, qui doivent faire une demande de carte de résident (s’ils ont obtenu le statut de réfugié) ou une carte pluriannuelle de quatre ans (s’ils ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire), sont notamment concernés par ce dispositif.

Si l’ANEF permet d’éviter de longues attentes en préfecture, cette évolution a surtout été marquée par des dysfonctionnements qui portent fortement préjudice aux étrangers. Cette situation bien connue de tous les acteurs accompagnant ces publics a été documentée récemment dans une enquête de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) publiée le 16 octobre 2024 et dans un rapport du Défenseur des droits publié le 11 décembre 2024.

L’enquête de la FAS, à laquelle ont participé les associations membres du réseau et d’autres partenaires (dont Forum réfugiés), a particulièrement souligné les difficultés liées à l’attestation provisoire d’instruction (API) produite par l’ANEF lorsqu’une demande est enregistrée, dans l’attente de la délivrance du titre de séjour. 75% des structures répondantes déclarent avoir été sollicitées par les personnes accompagnées au sujet des difficultés liées aux renouvellements de ces API, devenues obligatoires dans les démarches administratives, notamment celles exigées par France Travail. La moitié des répondants (50%) ont signalé des pertes de droits à France travail, et près de la moitié estime que les personnes concernées ont perdu leur possibilité de travailler (45%) ou d’autres droits sociaux (46%)

La FAS demande aux pouvoirs publics la mise en place d’un outil accessible le plus rapidement possible pour permettre aux personnes de sortir de la précarité et aux entreprises de fonctionner normalement.

Le rapport du Défenseur des droits fait lui aussi état « des nombreuses carences de cet outil numérique et des graves ruptures de droits qui en découlent pour les usagers ». Son analyse est issue des nombreuses réclamations de personnes (en hausse de 400% entre 2020 et 2024, représentant un tiers des réclamations 2024) qui ne parviennent pas à effectuer les démarches ou à obtenir des réponses y compris pour le renouvellement de titres déjà acquis précédemment.

Il constate que les services d’accueil et d’accompagnement mis en place ne permettent pas de surmonter les difficultés rencontrées tandis que le droit de déposer la demande par un autre canal tel qu’exigé par le Conseil d’État dans une décision du 3 juin 2022 est souvent entravé. Sans preuve de leur droit au séjour, les personnes concernées sont confrontées à des ruptures de droits économiques et sociaux (travail, prestations sociales, logement, accès aux soins). Elles sont ainsi placées dans une situation administrative précaire sur de longues périodes qui les contraint à suspendre ou reporter de nombreux projets personnels ou professionnels.

En conséquence, le Défenseur des droits formule 14 recommandations « pour faire de l’ANEF un réel outil de simplification au service des usagers ». Il est notamment demandé :

  • D’intégrer dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une disposition reconnaissant le droit de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable ;
  • D’automatiser le renouvellement automatique des attestations de prolongation d’instruction (API) et créer, pour les personnes sollicitant la régularisation de leur situation administrative, une attestation dématérialisée créatrice de droits délivrée après vérification de la complétude du dossier
  • D’améliorer l’information donnée aux usagers sur les sites internet des préfectures, quant aux modalités de dépôt des demandes de titres et la mettre à jour régulièrement. 

Pour mettre fin à ces dysfonctionnements, plusieurs associations ayant participé à l’enquête de la FAS ont par ailleurs écrit au ministère de l’Intérieur le 17 décembre 2024 pour demander la mise en place de plusieurs mesures concrètes.