Immigration et asile : des reculs préoccupants pour les droits des personnes
Deux réformes majeures sur l’immigration et l’asile ont connu des avancées décisives ces dernières heures. À l’échelle nationale, le projet de loi « pour une immigration maîtrisée, une intégration réussie » remanié par la commission mixte paritaire a été adopté par l’Assemblée nationale avec 349 votes « pour » et 186 votes « contre » le texte. Au niveau européen, la Commission, le Parlement européen et le Conseil européen se sont accordés politiquement sur cinq textes du Pacte sur la migration et l’asile.
Forum réfugiés fait part de sa profonde préoccupation concernant l’évolution de ce cadre juridique, qui impactera fortement les droits des personnes étrangères concernant leur entrée sur le territoire, leur séjour et leur parcours d’intégration, les conditions de leur éloignement, et l’exercice de plusieurs droits fondamentaux dont celui de demander l’asile et d’obtenir une protection internationale.
Le projet de loi de français, dans la version adoptée hier, valide les principales orientations votées en première lecture par le Sénat en novembre sur lesquels nous avions déjà exprimé de fortes réserves avant l’examen en séance publique à l’Assemblée nationale (voir notre communiqué du 8 décembre 2023). Les ajustements importants adoptés par la Commission des lois de l’Assemblée nationale n’ont, pour la plupart, pas été repris par la commission mixte paritaire.
Forum réfugiés déplore ainsi des reculs majeurs, parfois sans précédents. L’exercice du droit d’asile se trouve affaibli par les mesures qui impacteront l’accès à la procédure, les conditions d’accueil, l’instruction des demandes avec notamment la généralisation du juge unique à la CNDA, mais aussi le parcours d’intégration des personnes reconnues réfugiées, avec les restrictions apportées dans l’accès aux droits sociaux et à la réunification familiale.
En matière d’éloignement, la réduction de certains délais de recours, le recul de l’intervention du juge des libertés et de la rétention à quatre jours (contre 48 heures actuellement), la consécration dans la loi de la priorisation des personnes représentant une menace à l’ordre public en rétention indépendamment des perspectives d’éloignement, ou encore la possibilité de recourir à la vidéo-audience auprès du juge administratif et du juge judiciaire en rétention et en zone d’attente, viennent affaiblir les droits des personnes, sans effet autre que limité sur l’efficacité des politiques d’éloignement.
Le Conseil constitutionnel reviendra probablement sur certaines mesures inconstitutionnelles, tandis que le Conseil d’État sera également amené à statuer sur la conformité au droit européen de certaines dispositions. La déclinaison des normes législatives en dispositions réglementaires constituera également une étape déterminante de cette réforme : Forum réfugiés appelle ainsi le pouvoir réglementaire à atténuer certaines mesures à cette occasion.
Forum réfugiés s’inquiète également de l’évolution des débats au sein de l’Union européenne (UE) autour du Pacte sur la migration et l’asile, en négociation depuis sa présentation en septembre 2020. Le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont déclaré aujourd’hui avoir atteint un accord sur ce texte, qui valide des évolutions inquiétantes en matière de respect des droits fondamentaux (voir note de plaidoyer d’octobre 2023).
En généralisant la privation de liberté à l’arrivée sur le territoire européen mais aussi à d’autres étapes du parcours des demandeurs d’asile, en élargissant la notion de « pays tiers sûr », ou encore en permettant l’adoption souple de normes dérogatoires en cas de « crise », le tout sans améliorer le dispositif de répartition entre les États membres ni proposer de mécanismes solides de suivi du respect des droits fondamentaux, le Pacte constitue une régression importante qui aura un impact majeur pour l’exercice du droit d’asile en France - malgré l’absence d’attention médiatique et politique à ce sujet au niveau national.
Forum réfugiés appelle les parlementaires européens, qui seront encore amenés à amender les textes du Pacte à la marge, à porter spécifiquement leur attention sur ces enjeux.